Anthropozoologica
56 (9) - Pages 137-151Dans de nombreux groupes autochtones, les rituels de chasse sont souvent présentés comme visant à assurer l’abondance et un accès au gibier. Cet article montre que chez les Tau-Buhid, la chasse est un rituel en soi, dans lequel la relation spirituelle est fondamentale au mode d’être au monde. La « chasse rituelle », comme sa description opérationnelle, montre que le besoin de viande n’occupe qu’une place secondaire, la relation au monde des esprits demeurant primordiale. Fait remarquable, une telle notion de chasse ne peut être réalisée sans sacrifier des porcs. Les porcs domestiques (Sus domesticus Erxleben, 1777), en particulier, sont considérés comme des êtres « sans esprit », et donc comme des animaux qui peuvent servir de médiateurs entre les Tau-Buhid et les esprits. En revanche, il est interdit à leurs homologues que sont les cochons sauvages (Sus scrofa Linnaeus, 1758) d’être tués à cette fin, car ils sont considérés comme « des animaux qui forment des esprits », protégés par des sanctions magiques. Ainsi, si la domestication des porcs semble pratique pour répondre aux besoins en porcs, elle est légalement interdite dans les hautes terres. Cette contrainte génère une pression sur cette population qui doit donc se procurer des porcs auprès des populations des plaines. En conséquence, les Tau-Buhid sont contraints de produire des biens au-delà de ce que leur système économique local peut fournir. À travers une ethnographie multi-espèces et sur la base des travaux en ontologie politique, cet article montre que la relation des Tau-Buhid avec les porcs domestiqués reflète une lutte politique pour maintenir leur socialité tout en négociant des relations avec les populations des basses terres.
Rituel, domestication, échange.
