En Inde, les statuts des différents bovins doivent être compris à la lumière des usages matériels qui sont faits de ces animaux, mais également des volontés politiques d’en contrôler l’abattage. L’élevage des vaches et des buffles est engagé dans un processus de spécialisation laitière. Dans le même temps, les mouvements nationalistes hindous cherchent à interdire la mise à mort des premières. De longue date, les bovins au sens strict (Bos taurus ssp. et Bos indicus ssp.) sont valorisés, voire sacralisés, en Inde, alors que les buffles (Bubalus bubalis sp.) sont considérés comme des animaux malfaisants propices au sacrifice. Pourtant, ces deux espèces ont longtemps fourni du lait et de la force de travail à l’économie agraire, ainsi qu’une viande peu coûteuse aux groupes marginaux impliqués dans leur équarrissage ou dans leur abattage. La consommation de viande bovine, de quelque espèce qu’elle provienne, est de la sorte très fortement associée à un statut social et moral inférieur. Ces dernières décennies, l’interdiction de l’abattage des vaches s’est renforcée, dans une volonté nationaliste de définir l’Inde comme un pays fondamentalement hindou. Dans ce contexte, l’élevage des buffles a été privilégié dans l’économie laitière : plus aisément mis à mort, ceux-ci fournissent des carcasses valorisées sur le marché mondial. Ainsi, l’Inde a récemment accédé au premier rang des exportateurs de viande bovine. Les statuts multiples et fortement conflictuels des bovins ne sont donc pas uniquement un fait de culture : les sphères politiques et économiques, mais également les interactions affectives avec les animaux, participent de la négociation et de la contestation des différentes relations entretenues à la fois avec les bêtes et avec les viandes qui en sont issues.
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