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Nouvelles données sur Phosphatherium escuilliei (Mammalia, Proboscidea) de l'Éocène inférieur du Maroc, apports à la phylogénie des Proboscidea et des ongulés lophodontes

Emmanuel GHEERBRANT, Jean SUDRE, Pascal TASSY, Mbarek AMAGHZAZ, Baâdi BOUYA & Mohamed IAROCHÈNE

fr Geodiversitas 27 (2) - Pages 239-333

Publié le 30 juin 2005

Un nouveau matériel de Phosphatherium escuilliei Gheerbrant, Sudre & Cappetta, 1996 de l’Éocène basal du Bassin des Ouled Abdoun (Maroc) permet une première reconstitution du crâne et de la denture du plus ancien proboscidien connu. Le matériel montre une importante variabilité relevant probablement d’une variation individuelle et d’un dimorphisme sexuel. Le crâne de P. escuilliei présente des synapomorphies notables avec les proboscidiens et les téthythères, mais il reste très primitif, proche du plan « condylarthre » généralisé. P. escuilliei est l’un des rares jalons fossiles (bien) connus de la naissance d’un ordre moderne de mammifère à ce stade. L’analyse cladistique de 129 caractères de Phosphatherium escuilliei permet un nouveau regard sur les relations des Proboscidea. Elle soutient l’appartenance de Phosphatherium aux Proboscidea et la monophylie de l’ordre. Les synapomorphies proboscidiennes majeures de Phosphatherium sont : le processus zygomatique développé du maxillaire, la pars mastoidea bien développée du périotique et l’hypoconulide labial. Les relations des proboscidiens lophodontes restent mal résolues. Deux hypothèses sont discutables : 1) un arrangement séquentiel de Phosphatherium, Daouitherium et Numidotherium à la base des proboscidiens avancés (pondération successive : PS) ; et 2) un clade (Numidotherium (Barytherium, Daouitherium)) (analyse non pondérée). La seconde hypothèse se heurte spécialement au fait que Daouitherium est plus primitif que Numidotherium (clade (Numidotherium, Barytherium) dans la PS). Plus haut dans l’arbre, l’analyse soutient un clade de proboscidiens avancés (Moeritherium (Deinotheriidae, Elephantiformes)). Dans tous les cas, Phosphatherium et Daouitherium représentent deux lignées bien distinctes et Phosphatherium est inclus dans sa famille Phosphatheriidae n. fam. Les caractères originaux de Phosphatherium restent discrets, ce qui en fait l’ancêtre structural de l’ordre des Proboscidea. Un seul arbre supra-ordinal presque entièrement résolu a été obtenu. Les siréniens sont le groupe frère des proboscidiens. L’analyse conforte la parenté avec ce clade de groupes nord-téthysiens tels que Minchenella, les anthracobunidés et les desmostyliens, mais comme des branches latérales primitives de téthythères. Les anthracobunidés sont ainsi écartés des proboscidiens, lesquels représentent un groupe d’origine endémique africaine. L’analyse phylogénétique des téthythères primitifs requière cependant une meilleure connaissance de leurs morphotypes ancestraux. Les embrithopodes (+Phenacolophus) sont le groupe frère de l’ensemble des téthythères et non des seuls Proboscidea. Le clade des Paenungulata est soutenu, mais par peu de traits, certains incertains chez Phosphatherium. Les comparaisons soulèvent la question d’une possible convergence de la lophodontie des Perissodactyla et des Paenungulata (Altungulata ?). L’anatomie crânienne remarquablement plésiomorphe de Phosphatherium contraste avec sa lophodontie vraie identique à celle de Numidotherium et Barytherium. Cela suggère une adaptation trophique spécialisée (régime follivore) précoce dans le paléoécosystème africain, témoin d’un possible signal paléoéocologique et évolutif remarquable et ancien dans la province arabo-africaine.


Mots-clés :

Mammalia, Ungulata, Proboscidea, Afrique, Maroc, Bassin Ouled Abdoun, Éocène inférieur, phylogénie

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