Sur les pentes de l’étage bathyal, les coraux scléractiniaires branchus produisent des constructions tridimensionnelles et des débris qui sont des substrats durs particulièrement favorables aux bryozoaires. Des prélèvements de « coraux d’eau froide », principalement Madrepora oculata Linnaeus, 1758, récoltés sur six monts sous-marins au sud des Açores (South Azorean Seamount Chain : SASC) ont permis un réexamen approfondi d’un bryozoaire chéilostome encroûtant unisérié, Harmelinius uniserialis (Harmelin, 1978), qui a révélé des traits morphologiques inattendus. Contrairement à l’apparente simplicité de sa forme de croissance constituée par des chaînes ramifiées d’autozoïdes et de kénozoïdes vicariants, cette espèce présente une grande complexité structurale causée par différents types de polymorphes. Les kénozoïdes vicariants sont à la base d’une variation clinale incluant la partie distale kénozoïdale des autozoïdes ovicellés ou non, et cinq types différents d’aviculaires, attestée par un trait morphologique commun, minuscule et surprenant. L’origine commune des kénozoides et des aviculaires est une innovation chez les bryozoaires chéilostomes, apparemment sans débouchés évolutifs nets. Les fonctions de ces polymorphes ne sont pas claires, à l’exception des rôles d’organe de connectivité et de protection joués par les kénozoïdes intégrés aux autozoïdes. Les kénozoïdes vicariants sont supposés stocker des métabolites dans leur grande chambre pour les redistribuer par le réseau mésenchymateux. La fonction des différents aviculaires reste énigmatique, en particulier quand différents types sont bourgeonnés par le même autozoïde. Une fonction commune des cinq types d’aviculaires pourrait être le renouvellement de l’eau au niveau de la colonie, favorisant l’apport de particules nutritives. La grande fréquence de zoïdes réparés par bourgeonnement intramural et de fragments de colonies encore vivants, l’épaisseur des parois et la grande rareté des ovicelles et des ancestrules indiquent que les colonies ont une très longue durée de vie et un taux de reproduction très bas. Ces traits et le confinement des colonies dans la couche limite sur les substrats des constructions coralliennes ont pour effet une très faible dispersion des larves et un endémisme de cette espèce à une profondeur de 600-1500 m au sud des Açores sur la pente bathyale et les monts sous-marins (SASC). Plusieurs traits de H. uniserialis suggèrent que c’est une espèce relicte.
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