Le plan d’organisation caractérisé par la présence de membres antérieurs bien développés et l’absence de membres postérieurs (« forelimb-only bauplan ») est rare au sein des tétrapodes terrestres. Il existe seulement dans trois lignées de squamates vermiformes, les amphisbènes du genre Bipes Lacépède, 1788, et les scinques des genres Sirenoscincus Sakata & Hikida, 2003 et Jarujinia Chan-ard, Makchai & Cota, 2011. Nous décrivons ici une nouvelle espèce de Sirenoscincus de Marosely, région de Port Bergé, nord-ouest de Madagascar, présentant une remarquable variation de ce plan d’organisation. Les membres antérieurs de S. mobydick n. sp. diffèrent de ceux de S. yamagishii Sakata &Hikida, 2003 – la seule autre espèce connue dans le genre – par l’absence complète de doigts ou de griffes, ressemblant ainsi superficiellement à des nageoires, ce qui constitue une combinaison unique de caractères au sein des vertébrés terrestres. Sirenoscincus mobydick n. sp. se différencie également de S. yamagishii par plusieurs caractères apomorphes de l’écaillure céphalique, tels que : 1) l’absence de frontonasale, vraisemblablement fusionnée avec la frontale (contre la présence des deux écailles) ; 2) l’absence de préoculaire, vraisemblablement fusionnée avec la loréale (contre la présence des deux écailles) ; et 3) l’absence de post-suboculaire, vraisemblablement fusionnée avec la prétemporale (contre la présence des deux écailles). Nous donnons également une description détaillée du squelette appendiculaire de la nouvelle espèce, obtenue par imagerie tomographique à rayon X, et qui a mis en évidence la régression massive de plusieurs éléments squelettiques : 1) réduction de la taille et du nombre des os autopodiaux ; 2) réduction importante de la ceinture pelvienne, et disparition totale des os des membres posterieurs, à l’exception notable de deux corpuscules osseux à peine distincts, correspondant vraisemblablement aux vestiges des os de membres postérieurs ancestraux ; et 3) anneaux sclérotiques réduits à cinq ossicules seulement, nombre le plus faible jamais observé chez les lézards. Notre étude souligne l’importance du « forelimb-only bauplan », rarement observé pour aborder les questions macro-évolutives traitant de la perte complète des membres chez les vertébrés, phénomène qui s’est produit de façon convergente de 16 à 20 fois au sein des seuls Scincidae Gray, 1825.
Scincidés, Sirenoscincus, régression des membres, tomographie assistée par ordinateur, plan d’organisation tétrapode, Madagascar, espèce nouvelle.