
Dans le cadre du plan de gestion de la Réserve naturelle (RN) nationale des Hauts de Chartreuse (Savoie – Isère, France), deux campagnes de mesure de la faune des syrphes (Diptera) sont réalisées, l’une en 2008, l’autre en 2019-2020. Ces échantillonnages sont effectués avec quatre pièges à interception de type Malaise dans deux sites remarquables composés d’habitats d’altitude (pelouses/landes subalpines et pinèdes). Une réduction significative de la richesse spécifique et de la diversité des espèces est observée au Mont Granier durant la décennie, contrairement à la Dent de Crolles où ces deux paramètres sont plus stables. En revanche, un changement clair dans la composition des espèces pour les deux sites, entre les deux périodes, est mis en évidence. Ces modifications suivent la même trajectoire dans les deux sites, conséquence probable d’un facteur commun d’évolution. L’étude des guildes souligne des contraintes naturelles fortes, illustrées de l’absence de la quasi-totalité des espèces détritivores associées à l’accumulation de la litière et de l’humus. Les caractéristiques naturelles du Massif de la Chartreuse (savane karstique) dans un contexte climatique subalpin imposent des contraintes stationnelles particulières. Cette spécificité explique la présence inattendue de plusieurs espèces liées à des variantes acides (décalcifiées) des pelouses et landes subalpines. Ces espèces ont cependant disparu en 2019-2020. Sur les deux sites, tous les groupes phytophages (–18 %) et zoophages (–23 %) ont connu un fort déclin entre 2008 et 2019-20. Ces déclins sont particulièrement marqués sur le Mont Granier. L’analyse des assemblages d’espèces, avec la base de données Syrph the Net, permet de quantifier une dégradation fonctionnelle (ratio des espèces au rendez-vous sur celles prédites) sur les deux sites d’étude, entre 2008 et 2019-20. À la Dent-de-Crolles, la diminution est de –8 % et au Mont Granier de –27 %. Depuis 2008, on observe également une augmentation marquée des espèces inattendues provenant de la forêt de basse altitude de la zone montagnarde, associées à des peuplements forestiers (hêtraie, sapinière-pessière) qui ne sont pas représentées aux altitudes échantillonnées. Un autre changement concerne la proportion d’espèces provenant d’habitats frais et humides, que l’on trouve également à la périphérie des sites étudiés. Il s’agit d’espèces dont la présence n’est pas prévue sur les sites échantillonnés, car leurs habitats y sont absents. La proportion de cette communauté décroît fortement durant la décennie, passant de 37 à 24 % à la Dent de Crolles et de 34 à 15 % au Mont Granier. Ces diminutions inquiétantes de la syrphidofaune subalpine entre 2008 et 2020 sont certainement plus induites par les perturbations climatiques que ces habitats subalpins subissent de plein fouet depuis un demi-siècle, que par l’impact des pratiques humaines inexistantes ou abandonnées depuis plusieurs décennies. Les interprétations n’ont malheureusement pu être croisées avec d’autres études standardisées locales. Il est préconisé de mettre en place dans la RN des Hauts de Chartreuse plusieurs dispositifs de suivis et de poursuivre l’étude des communautés syrphidiennes sur le long terme.
Syrphe, bioindicateur, intégrité écologique, pelouse/lande subalpine, pinède, déclin des insectes