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Dental ontogeny in the early Paleocene placental mammal Alcidedorbignya inopinata (Pantodonta) from Tiupampa (Bolivia)

Christian de MUIZON & Guillaume BILLET

en Geodiversitas 44 (32) - Pages 989-1050

Publié le 01 décembre 2022

Ontogénie dentaire chez le mammifère placentaire du Paléocène inférieur Alcidedorbignya inopinata (Pantodonta) de Tiupampa (Bolivie)

Au sein de la faune de mammifères de Tiupampa (Paléocène inférieur, Bolivie), le pantodonte, Alcidedorbignya inopinata Muizon & Marshall, 1987 est l’euthérien représenté par le plus grand nombre de spécimens. L’échantillon récolté, comprend de nombreuses dents isolées et mâchoires ainsi que six crânes pour la plupart, associés à des squelettes complets ou partiels. Il se compose d’un nombre à peu près similaire (en excluant les dents isolées) de spécimens adultes (71) et juvéniles (75) qui appartiennent très probablement à la même population. La présente étude se concentre sur l’éruption dentaire des juvéniles qui s’étend ontogénétiquement depuis des individus à un stade périnatal jusqu’à des sub-adultes. Huit stades ontogénétiques ont été définis (1, 2, 2+, 3, 3+, 4, 5, 6) et des critères ont été proposés pour les définir. Deux autres stades (7 et 8) ont été définis pour les adultes. Le stade 7 comprend des spécimens avec une dentition permanente totalement fonctionnelle et peu usée. Le stade 8 se compose d’un petit nombre d’individus dont la dentition définitive est usée mais sans atteindre une abrasion totale des structures des molaires, même sur les M1/m1. Nos stades ont été corrélés aux six « Individual Dental Age Stages » (IDAS) proposés par d’autres auteurs pour les mammifères actuels et fossiles. La description des huit stades d’ontogénie dentaire chez Alcidedorbignya a permis d’établir la séquence d’éruption dentaire pour ce taxon. À l’exclusion des incisives (pour lesquelles nous n’avons que très peu de données), la séquence d’éruption des dents supérieures est comme suit : dC-dP2-4 (probablement fonctionnelles à la naissance, ordre inconnu), M1, dP1, M2, I3, C, P4, P2-3, M3. La séquence d’éruption dentaire des dents inférieures (à l’exclusion des i1 et i2 pour lesquelles nous n’avons pas de données) est comme suit : di1-3-dc-dp3-4 (probablement fonctionnelles à la naissance, ordre inconnu), dp2, m1, dp1, m2, i3, c, p2, p4, p3, m3. Cette séquence est semblable à celle de Coryphodon Owen, 1845 le genre de pantodonte le plus dérivé. En particulier, chez Alcidedorbignya, comme chez Coryphodon, les M3/m3 sortent les dernières, ce qui constitue probablement un caractère dérivé bien que très convergeant parmi les placentaires. L’utilisation de la tomographie informatisée a fourni des données supplémentaires concernant la séquence de minéralisation dentaire et a permis l’étude des germes dentaires. Celle-ci montre que, sur les dents inférieures le trigonide se minéralise avant le talonide et, sur le premier, l’ordre de minéralisation des cuspides est le suivant : protoconide, métaconide, paraconide. Aux molaires supérieures, le paracone est le premier minéralisé. Cette séquence de minéralisation des cuspides correspond au patron général décrit pour les placentaires. L’analyse des facettes d’usure et de la séquence d’éruption dentaire a permis de proposer des hypothèses sur l’apparition d’événement d’histoire de vie tels que le sevrage et la maturité sexuelle par comparaison avec des données connues pour des placentaires actuels. La comparaison de plusieurs mesures crâniennes et mandibulaires indique que les individus périnataux et juvéniles d’Alcidedorbignya avec 20% de dents jugales définitives fonctionnelles (p3 à m3 ; P3 à M3) sont relativement petit en comparaison aux adultes, ce qui pourrait représenter un caractère plésiomorphe. Enfin, l’étude du profil de mortalité de cet ensemble de fossiles d’Alcidedorbignya montre que le nombre de restes de juvéniles était semblable à celui des adultes. Parmi les juvéniles, le plus grand nombre de spécimens est observé pour des individus non sevrés. Alcidedorbignya inopinata est de loin le taxon de la faune représenté par le plus grand nombre d’individus juvéniles, ce qui suggère que Tiupampa constituait probablement un lieu de rassemblement de reproduction pour ce placentaire grégaire au Paléocène. La collection de fossiles de juvéniles et d’adultes d’Alcidedorbignya inopinata, remarquablement bien documentée (pour le Paléocène inférieur), procure une information unique et sans précédent pour comprendre l’ontogénie cranio-dentaire d’un mammifère placentaire basal.


Mots-clés :

Placentalia, Pantodonta, Alcidedorbignya, Paléocène, Tiupampa, Bolivie, ontogénie dentaire, stades d'éruption, profil de mortalité

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