Les suidés du Pliocène inférieur d’Europe sont généralement rares et mal préservés, néanmoins des fossiles exceptionnels ont été retrouvés à Roussillon en France, à Villafranca d’Asti en Italie et à Kvabebi en Géorgie. Nous décrivons et interprétons un crâne presque complet d’un petit suidé de Musaitu et un fragment de mandibule de Dermenji en Moldavie, attribués à Dasychoerus arvernensis (Croizet & Jobert, 1828). Ces fossiles ajoutent des informations précieuses à la connaissance des petits suidés européens pliocènes. Les fossiles moldaves constituent un lien biogéographique important entre les suinés plio-pléistocènes de l’Europe occidentale et ceux de l’Asie. En particulier, le crâne de Musaitu présente les caractéristiques du genre Dasychoerus Gray, 1873 : un museau allongé, des canines au rebord évasé, une arcade zygomatique pneumatisée et une rangée incisive basse. Cette espèce est importante car elle représente le groupe duquel la lignée africaine Kolpochoerus Van Hoepen & Van Hoepen, 1932 a probablement émergée. Ce dernier groupe est utile en biochronologie, parce qu’étant arrivé en Afrique où il a été nommé Kolpochoerus deheinzelini Brunet & White, 2001 (en fait un synonyme de Dasychoerus arvernensis) ses dimensions et sa morphologie dentaire ont rapidement évolué. Au cours du Pliocène, le genre Dasychoerus, déjà adapté aux climats tropicaux et subtropicaux, était largement répandu aux latitudes moyennes d’Eurasie et d’Afrique, mais quand les latitudes moyennes eurasiennes devinrent boréales durant le Plio-Pléistocène, son extension géographique s’est réduite vers l’équateur, laissant la place à Sus scrofa Linnaeus, 1758 sur une grande partie de son ancien territoire et conduisant à une répartition disjointe de ses descendants en Afrique (Hylochoerus Thomas, 1904, probablement Potamochoerus Gray, 1854) et dans les îles tropicales (Dasychoerus).
Moldavie, Pliocène, Suidae, Dasychoerus, Kolpochoerus, évolution, Paléobiogéographie