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Alcidedorbignya inopinata, a basal pantodont (Placentalia, Mammalia) from the early Palaeocene of Bolivia: anatomy, phylogeny and palaeobiology

Christian de MUIZON, Guillaume BILLET, Christine ARGOT, Sandrine LADEVÈZE & Florent GOUSSARD

en Geodiversitas 37 (4) - Pages 397-634

Publié le 31 décembre 2015

Cet article est tiré de la thématique Alcidedorbignya inopinata, un pantodonte (Placentalia, Mammalia) basal du Paléocène inférieur de Bolivie : anatomie, phylogénie et paléobiologie

Alcidedorbignya inopinata, un pantodonte (Placentalia, Mammalia) basal du Paléocène inférieur de Bolivie : anatomie, phylogénie et paléobiologie

Alcidedorbignya inopinata Muizon & Marshall, 1987 est un pantodonte (Placentalia, Mammalia) basal de petite taille du Paléocène inférieur de la Formation Santa Lucia à Tiupampa (Bolivie), la localité type du Tiupampien, un âge de mammifères continentaux sud-américains (SALMA) qui est considéré comme un équivalent de la base du Torréjonien 1 d’Amérique du Nord (c. 65 Ma). Alcidedorbignya est connu par des spécimens exceptionellement preservés qui sont décrits dans ce travail. Les deux principaux spécimens sont un squelette presque complet (MHNC 8372) et un crâne partiel (MHNC 8399), le premier constituant probablement un des squelettes de placentaire fossile les mieux conservés connus dans le Paléocène inférieur et probablement le plus ancien squelette de placentaire aussi complet connu. Ces spécimens sont aussi les premiers crânes et squelettes d’euthériens découverts à Tiupampa, une localité qui a livré, par ailleurs, de nombreux crânes et squelettes partiels de métathériens. La conservation remarquable des deux crânes permet une description détaillée de l’anatomie crânienne avec une parfaite identification des sutures et des foramens, entre autres, concernant la région auditive. L’analyse microtomograhique par RX des crânes a permis une reconstitution des circulations artérielle et veineuse dans la base du crâne ainsi que du labyrinthe osseux de l’oreille interne. Une description exhaustive du squelette post-crânien de MHNC 8372 est également présentée. Parmi les pantodontes, Alcidedorbignya présente les ressemblances les plus étroites avec Pantolambda, le plus ancien (connu par des crânes et des squelettes partiels) et le plus basal des pantodontes nord-américains provenant de la partie supérieure du Paléocène inférieur (Torréjonien 2 et 3) du Nouveau-Mexique. Alcidedorbignya est trois fois plus petit, plus gracile, et présente des caractères anatomiques nettement plus plésiomorphes que Pantolambda. Il est aussi plus ancien d’au moins 3 Ma. D’intéressantes ressemblances sont également observées entre le crâne d’Alcidedorbignya et ceux de plusieurs « condylarthres » tels que Maiorana, Baioconodon, Arctocyon et Arctocyonides. Le basicrâne d’Alcidedorbignya ressemble aussi à celui d’Afrotheria (e.g., Tenrec) ou de Lipotyphla actuels (e.g., Solenodon), mais la plupart de ces ressemblances représentent probablement des symplésiomorphies de placentaires. En fait, l’anatomie crânienne d’Alcidedorbignya, au-delà de la simple description d’un pantodonte basal, apporte des lumières sur l’anatomie crânienne des placentaires du Paléocène basal, jusqu’alors inconnue de façon aussi détaillée. Le squelette post-crânien de MHNC 8372 avec quelques os isolés rapportés à Alcidedorbignya, est comparé avec soin avec des modèles morpho-fonctionnels adéquats (e.g., Solenodon, Dendrohyrax, Sciurus), ce qui permet de conclure qu’il était un mammifère terrestre généralisé, plantigrade, modérément agile, avec de bonnes capacités à grimper et occasionnellement capable d’adopter une position bipède. Les phalanges unguéales scutiformes portaient très probablement des sabots à morphologie d’ongles (ou des ongles de type primates) et, en raison de l’absence de griffe, un comportement fouisseur est considéré comme improbable.

Une analyse de parcimonie d’une matrice de données comportant 426 caractères (crâniens et post-crâniens) et 72 taxons a été réalisée avec TNT et Paup 4b10. La matrice inclut plusieurs euthériens souches, et des représentants des quatre grands clades de Placentalia : Laurasiatheria, Eurachontoglira, Xenarthra et Afrotheria. De plus, puisque l’un des buts majeurs de cette analyse est de tester la possibilité d’une relation phylogénétique étroite d’Alcidedorbignya inopinata avec l’un des cinq ordres d’« ongulés » endémiques sud-américains, 12 taxons appartenant aux Notungulata, Astrapotheria, Litopterna, Pyrotheria et Xenungulata ont été inclus dans la matrice. Deux analyses ont été réalisées, l’une non-contrainte et l’autre contrainte par les phylogénies moléculaires les plus récentes. Un des résultats principaux de ces analyses réside dans le haut degré d’homoplasie mis en évidence par le faible indice de rétention (RI proche de 0,5 ; CI inférieur à 0,2). Cette valeur signifie que la moitié des ressemblances observées sont interprétées comme des synapomorphies et donc que l’autre moitié constitue des homoplasies. Néanmoins quelques observations intéressantes peuvent être faites. Dans les deux analyses, les Pantodonta sont inclus dans les Placentalia et le « cimolestidé » éocène Didelphodus, qui a été considéré comme étroitement apparenté aux pantodontes, est leur groupe frère. Dans l’analyse contrainte les Pantodonta sont monophylétiques et inclus dans les laurasiathères ; Didelphodus et les pantodontes sont regroupés avec les Tillodontia, soit en tant que groupe frère, soit inclus dans un clade comprenant également des « condylarthres ». Dans l’analyse non-contrainte, le xénongulé Carodnia est inclus dans les Pantodonta en tant que groupe frère de Coryphodon, ce clade formant partie d’une vaste polytomie basale des lignées de placentaires. Les deux analyses sont en accord avec une origine nord-américaine du pantodonte sud-américain Alcidedorbignya puisqu’il est enraciné au sein de taxons du Nord. De plus, aucune relation étroite avec les « ongulés » endémiques sud-américains n’est mise en évidence à l’exception d’une relation avec les xénongulés, comme cela est observé dans l’analyse non-contrainte. Dans l’analyse contrainte, les cinq groupes d’« ongulés » endémiques sud-américains sont réunis en un seul clade inclus dans les laurasiathères mais non reliés directement aux pantodontes. Enfin, la position relativement apicale d’Alcidedorbignya dans les deux analyses peut être considérée comme un argument en faveur d’une diversification des placentaires, antérieure à la limite K-Pg puisque ce taxon date d’environ 65 Ma, soit presque contemporaine de la fin du Crétacé.

 


Mots-clés :

Pantodonta, Paléocène inférieur, Bolivie, Anatomie, Anatomie fonctionnelle, Phylogénie, Paléobiologie

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