Quarante crânes partiels fossiles de baleines à bec (Cetacea, Odontoceti, Ziphiidae), pêchés au chalut et à la palangre sur des couches du Néogène (probablement fin du Miocène inférieur à Miocène moyen) du fond de l’Atlantique au large des côtes du Portugal et d’Espagne (Asturies et Galice), sont signalés. L’étude sytématique des spécimens ibériques les plus diagnostiques, ceux dont le rostre et la partie faciale sont préservés, a permis la reconnaissance de deux nouveaux genres (Globicetus n. gen. et Imocetus n. gen.) et de quatre nouvelles espèces (Choneziphius leidyi n. sp., G. hiberus n. gen., n. sp., I. piscatus n. gen., n. sp. et Tusciziphius atlanticus n. sp.). Sur la base de la matrice d’un travail précédent, l’analyse phylogénique positionne l’ensemble des nouveaux taxons dans la sous-famille Ziphiinae Gray, 1850. Des spécimens plus fragmentaires sont provisoirement attribués aux genres Caviziphius Bianucci & Post, 2005 et Ziphirostrum du Bus, 1868. Parmi ces nouveaux ziphiidés, des morphologies extrêmement bizarres sont observées. Chez G. hiberus n. gen., n. sp., la partie proximale du rostre porte une volumineuse sphère prémaxillaire. Une crête médiale prémaxillaire est présente sur le rostre de T. atlanticus n. sp.; cette crête, de même que des éminences rostrales maxillaires asymmétriques, montre différents degrés d’élévation au sein de l’espèce, peut-être en lien avec du dimorphisme sexuel. Les spécimens d’I. piscatus n. gen., n. sp. portent deux paires de crêtes : des crêtes rostrales maxillaires en forme d’éperon et des crêtes maxillaires longitudinales bordant latéralement un long et large bassin facial. L’observation macroscopique préliminaire de ces éléments indique un os très dense, avec une compacité comparable à celle des os de l’oreille des cétacés. Au niveau de leur fonction potentielle, les éléments médians du rostre (sphère prémaxillaire de G. hiberus n. gen., n. sp. et crête médiane prémaxillaire de T. atlanticus n. sp.) rappellent les énormes crêtes maxillaires rostrales des mâles adultes de l’espèce moderne Hyperoodon ampullatus (Forster, 1770). Chez ce dernier, les crêtes sont très probablement utilisées lors de combats par coups de tête. Cependant, elles sont constituées d’un os beaucoup plus spongieux que chez les taxons fossiles étudiés ici, et donc peut-être plus aptes mécaniquement à subir des impacts. D’autres interprétations des ces spécialisations osseuses inhabituelles, liées aux plongées profondes (ballast) et à l’écholocalisation (réflexion des sons), échouent à expliquer la diversité des formes et le possible dimorphisme sexuel observé chez une partie des espèces. Les crêtes rostrales maxillaires en forme d’éperon et les longues crêtes maxillaires limitant le grand bassin facial d’I. piscatus n. gen., n. sp. et les excroissances sur le maxillaire à la base du rostre de Choneziphius spp. sont, elles, interprétées comme des régions d’origine pour des muscles rostraux et faciaux, agissant sur les conduits nasaux, l’évent et le melon. D’un point de vue paléobiogéographique, les nouveaux taxons confirment les différences de contenu des listes fauniques de ziphiidés néogènes de l’Atlantique Nord (incluant la péninsule ibérique) et de l’Afrique du Sud. Malgré le contexte stratigraphique peu précis, laissant ouverte la question de l’âge géologique de la plupart des spécimens pêchés sur le fond de la mer, ces différences dans la composition des faunes de ziphiidés fossiles des régions froides à tempérées des hémisphères nord et sud pourraient être expliquées par la présence d’une barrière d’eau équatoriale chaude.
Cetacea, Odontoceti, Ziphiidae, Néogène, Miocène, Portugal, Espagne, phylogénie, morphologie crânienne, genres nouveaux, espèces nouvelles