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The anatomy of Euphanerops longaevus Woodward, 1900, an anaspid-like jawless vertebrate from the Upper Devonian of Miguasha, Quebec, Canada

Philippe JANVIER & Marius ARSENAULT

en Geodiversitas 29 (1) - Pages 143-216

Publié le 30 mars 2007

L’anatomie d’Euphanerops longaevus Woodward, 1900, un vertébré sans mâchoires ressemblant à un anaspide et provenant du Dévonien supérieur de Miguasha, Québec, Canada

L’anatomie du vertébré sans mâchoires du Dévonien supérieur Euphanerops longaevus Woodward, 1900, de la Formation d’Escuminac, Miguasha, Québec, Canada, est décrite à partir de nouveaux spécimens, dont certains présentent des structures considérées ici comme un endosquelette complètement minéralisé et constitué essentiellement par du phosphate de calcium, avec quelques traces de calcite et de silicates d’origine diagénétique. La plupart des éléments minéralisés d’E. longaevus présentent la même microstructure vacuolaire, que l’on trouve principalement dans des éléments aussi indiscutablement endosquelettiques que les radiaux des nageoires. Tous les éléments présentant cette structure sont donc également endosquelettiques. Leur structure consiste en des groupes de grands espaces ovoïdes, généralement pairs, qui rappellent les chondrocytes du cartilage des lamproies et sont donc ici appelés « lacunes chondrocytaires ». Ces derniers sont tapissés par une couche de « matrice territoriale minéralisée » et cimentés par une « matrice interterritoriale minéralisée » finement sphérulitique qui remplit les espaces les séparant. La question de l’origine de cette minéralisation, qu’elle soit une forme inhabituelle de cartilage calcifié d’origine biogénique ou une calcification authigénique post-mortem d’origine microbienne, est discutée, bien qu’aucune réponse définitive n’y soit apportée. L’extrémité antérieure de la tête d’E. longaevus présente trois « taches céphaliques » qui peuvent être soit les empreintes d’un organe olfactif médian et de capsules optiques paires, soit les traces de plaques cartilagineuses armant le museau. Chez les spécimens de grande taille, leur fait suite postérieurement une importante masse de tissu minéralisé interprété avec réserves comme un neurocrâne. L’appareil branchial est constitué d’une « corbeille branchiale » en forme de cône allongé et composée d’au moins 30 arcs branchiaux verticaux et sinueux qui s’étendent depuis le neurocrâne présumé jusqu’à la région anale. Les arcs branchiaux portent un grand nombre de baguettes minéralisées plus ou moins horizontales, qui évoquent des rayons branchiaux et soutenaient probablement les filaments branchiaux. Les arcs branchiaux semblent avoir été attachés dorsalement et ventralement à des séries d’éléments endosquelettiques massifs nommés ici « éléments copulaires ». La série ventrale d’éléments copulaires se prolonge antérieurement par une « barre ventrale antérieure » médiane qui atteint une structure annulaire, le « cartilage annulaire ». L’homologie de cette dernière avec le cartilage annulaire des lamproies reste incertaine. La position du cœur reste problématique, en dépit de la présence possible d’un cartilage péricardique à l’arrière de la corbeille branchiale. La masse viscérale était située dorsalement par rapport à l’appareil branchial et comprenait un estomac volumineux contenant un sédiment à grain fin, mais l’organisation du tube digestif et ses relations à l’appareil branchial restent inconnues dans le détail. Le squelette axial présente clairement des séries dorsale et ventrale d’arcualia, ventralement auxquelles s’étend une série d’éléments appelés ici « série hémale ». Les radiaux de la nageoire anale sont articulés sur de grands « éléments de soutien de la nageoire anale ». E. longaevus est considéré ici comme ayant de fins radiaux des nageoires paires, disposés en séries ventro-latérales et divergeant antérieurement, comme chez les anaspides ; cependant cette espèce est singuliére parmi les vertébrés par le fait que ses nageoires paires s’étendent ventro-latéralement à l’appareil branchial. De nombreux caractères anatomiques d’E. longaevus restent néanmoins inexpliqués, comme la « ligne blanche » ou les « lignes noires », interprétées avec réserves comme des vaisseaux sanguins. D’étranges éléments minéralisés appelés ici « éléments intermusculaires » et « matière minéralisée diffuse » n’ont pas d’équivalents chez d’autres vertébrés et pourraient être soit les éléments endosquelettiques logés dans les tissus conjonctifs du tronc, soit des tissus mous calcifiés authigéniquement et distribués au hasard. Les empreintes allongées et obliques considérés soit comme des « écailles », soit comme des « traces de myomères » dans les descriptions antérieures, ne sont observées que sur les petits spécimens faiblement minéralisés, mais leur nature demeure inconnue. Le sédiment formant le contenu stomacal suggère plutôt un régime alimentaire microphage limivore. Endeiolepis aneri Stensiö, 1939 (synonyme junior probable d’E. longaevus), du Dévonien supérieur, ainsi qu’Achanarella trewini Newman, 2002 et Cornovichthys blaauweni Newman & Trewin, 2001, du Dévonien moyen, partagent avec E. longaevus la même organisation des trois « taches céphaliques » et la même élongation de l’appareil branchial. Ces quatre taxons appartiennent donc probablement à un même clade, les Euphaneropidae. Jamoytius kerwoodi White, 1946, du Silurien inférieur, pourrait également s’avérer appartenir à ce même clade. En raison de l’incertitude quant à l’origine biogénique ou diagénétique des structures décrites chez E. longaevus, aucune analyse de caractère ne peut être sérieusement proposée. Seules quelques homologies possibles sont partagées uniquement par les Euphaneropidae ou par ces derniers et soit les lamproies, soit les anaspides, soit ces trois taxons.


Mots-clés :

Vertebrata, Euphaneropidae, Dévonien, taphonomie, anatomie, homologies

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