
Les chondrichtyens possèdent un cartilage tessellé qui se caractérise par une strate de petites plaques minéralisées (i.e., les tesselles) recouvrant le cartilage hyalin. Ce type de tissu compose la majeure partie de l’endosquelette (y compris les nageoires, les arcs branchiaux et le crâne). En prenant l’exemple de l’adaptation des Holocéphales à la durophagie, nous visons à tester la capacité du cartilage tessellé à se renforcer en réponse au stress mécanique. En nous appuyant sur une approche intégrative (incluant des dissections des muscles crâniens, des analyses en éléments finis, des coupes histologiques et des données embryologiques), nous soutenons que les chondrichtyens sont capables de calcifier leur endosquelette en réponse au stress mécanique en imitant les microstructures osseuses (i.e., l’épaississement cortical et la formation de trabécules). En l’absence de cellules osseuses, ce mécanisme repose sur la calcification d’anneaux de Liesegang autour des chondrocytes, qui pourraient ainsi posséder des propriétés de mécanoréceptrices. Cette capacité du cartilage pourrait alors avoir été héritée des premiers vertébrés sans mâchoires avant de jouer un rôle crucial dans l’évolution des chondrichtyens, qui ont perdu le squelette osseux avant de prospérer au travers de 400 millions d’années et à survivre à quatre crises d’extinctions majeures. En effet, une telle propriété cellulaire aurait permis le développement d’une grande diversité d’adaptations biomécaniques chez des vertébrés « sans os ».
Biomécanique, chondrocyte, évolution, durophagie, trabécules, analyse en éléments finis, microanatomie