Même si elle y a aidé, ce n’est pas tant la relative pénurie d’ivoire d’éléphant que l’expansion scandinave dans l’Atlantique nord qui a entraîné le succès de l’ivoire de morse dans toute l’Europe occidentale et bien au-delà. L’intensité de la demande a non seulement entraîné la disparition de l’espèce en Islande, mais aussi, probablement, joué un rôle essentiel dans le maintien de la présence scandinave au Groenland. Pour la première fois peut-être, en tout cas pour une production de luxe d’une telle ampleur, la séparation entre les lieux de collecte du matériau et ceux de son exploitation est complète. Les principaux ateliers se trouvent en Norvège, en particulier à Trondheim, mais aussi en Allemagne, en Angleterre, et ce bien après la fin du Danelaw, voire en France ou en Castille. Et il n’y a pas que l’ivoire brut à voyager, mais aussi l’ivoire sculpté, parfois d’ailleurs vers les territoires de provenance de l’ivoire brut. Autre ivoire exporté depuis les mers arctiques, la dent de narval pose encore plus de questions. Les Norrois du Groenland n’étaient probablement jamais en contact direct avec le mammifère marin, mais pouvaient en trouver des cadavres, ou des fragments, inidentifiables, échoués après que les animaux aient été tués par des orques.
Ivoire, morse, narval, licorne, Groenland, Islande, khutū, commerce, Moyen Âge.