Les croyances folkloriques interculturelles concernant les amphibiens et reptiles lactophages ont longtemps été relevées par les chercheurs. Le folklore dialectal européen, par exemple, recèle d’innombrables occurrences d’animaux surpris à boire ou à voler du lait. Parmi ces animaux on trouve généralement les papillons, les reptiles, les batraciens, les lièvres, les hérissons et les oiseaux nocturnes. Ces créatures sont régulièrement accusées de s’introduire subrepticement dans les espaces domestiques pour s’abreuver directement du lait ou du sang du bétail et des femmes. La documentation existante autour de cette croyance, illustrée par le motif des seins ou des mamelles tétées par un serpent ou un animal similaire (lézard, crapaud, etc.) n’a pas encore fait l’objet de l’étude approfondie qu’elle mérite pourtant. Idéalement, une étude comparative des reptiles lactophages (avec relations de lactophagie entre animaux et entre l’animal et l’homme) doit être menée à travers toute la gamme des disciplines pertinentes telles que l’ethnologie, la linguistique, la philologie, le folklore et l’histoire des religions ; un tel projet est naturellement porté à inclure des références écrites prémodernes et l’analyse de leur transmission. Cet article tend à ouvrir de nouvelles pistes de recherche autour de l’analyse du penchant traditionnel des serpents pour le lait, véritable « biologie impossible ». Basé sur de nombreuses sources plus ou moins connues de la littérature et de l’iconographie prémodernes – les exemples proviennent de plusieurs lieux diffus dans l’espace eurasiatique – il adopte une méthode comparative interdisciplinaire et rétrospective.
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