Afin de produire des mules, animaux hybrides nés de la saillie d’un âne et d’une jument, certains éleveurs de l’Antiquité commencent par habituer l’ânon à ces femelles en le donnant à nourrir à l’une d’elles. La lecture des textes qui rapportent cette pratique (Aristote, Histoire des animaux, VI, 23 ; Varron, Économie rurale, II, 8 ; Columelle, De l’agriculture, VI, 37 ; Pline, Histoire naturelle, VIII, 171-175) révèle la curiosité des auteurs pour une technique humaine qui permet à l’éleveur de s’affranchir des cadres de l’espèce en utilisant la capacité du lait maternel à transformer le petit qu’elle nourrit. La mule, merveille de l’art, est à la fois le début et la fin de sa lignée puisqu’elle est stérile, et l’allaitement interspécifique entre ses ascendants reste une exception dans le corpus des agronomes romains. Cependant, dans un contexte culturel où l’on ne porte pas une attention très rigoureuse au rang des taxons que l’on décrit, les exemples d’allaitement interspécifique entre animaux servent de modèle analogique pour dénoncer, au sein de la société humaine, l’emploi de nourrices serviles dans les grandes familles romaines (Aulu-Gelle, Nuits attiques, XII, 1, 14-18).
Antiquité, mules, allaitement, hybride, stérile