La brebis mérinos d’Arles fêtait en 2002 ses deux cents ans. C’est en effet en 1802, en Crau (Bouches-du-Rhône), qu’il fut procédé aux premiers croisements entre brebis de race locale et béliers mérinos d’origine espagnole. Nous examinons dans cet article l’inscription sociale et culturelle du processus de création et de façonnement de cette race — et ses développements contemporains — dans le contexte de l’élevage bas-provençal. Bête à laine de grande réputation, la mérinos d’Arles aurait dû logiquement disparaître dans la seconde moitié du XIXe siècle, en raison des croisements imposés par l’effondrement du marché lainier et la nouvelle orientation de l’élevage ovin vers la production de viande. Mais les éleveurs provençaux, dans leur volonté de conserver un animal apte à la pratique de la transhumance, ont préféré — par sélection — l’adapter au nouveau contexte économique. Aujourd’hui l’évolution de la race suit les critères techniques de sélection précis dictés par l’UPRA (Union de promotion de la race) Mérinos d’Arles, mais elle doit aussi beaucoup aux choix individuels (notamment selon des critères esthétiques) de certains éleveurs. Alors que de bête à laine, la mérinos d’Arles est devenu une bête à viande, tous les éleveurs et les bergers font de leurs animaux, de leurs troupeaux, un motif de fierté dans lequel ils peuvent se reconnaître : un emblème reconnu particulièrement pour sa rusticité et, bien qu’elle soit aujourd’hui un sousproduit, sa laine. Aujourd’hui, trois postures professionnelles se côtoient où chaque type d’éleveurs tente d’imposer sa définition de la race mérinos d’Arles, du « vrai mérinos d’Arles » — la « métisse » — jusqu’au mérinos à haut rendement boucher. Un débat dans lequel s’affirme de plus en plus la reconnaissance de la race mérinos d’Arles en tant que productrice d’espaces : une vocation pour demain ?
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