Les fouilles archéologiques du palais de Malia ont livré une importante collection d’obsidiennes taillées dans les niveaux Minoen Ancien II à Minoen Moyen II. Quelques-unes de ces pièces se distinguent par leur apparence visuelle, des obsidiennes issues des sources égéennes de Mélos et Gyali. Afin de déterminer précisément la provenance de ces matériaux, des analyses non destructives par
Excavation of Malia Palace (Crete) had delivered a large collection of obsidian artefacts from Ancient Minoan II to Middle Minoan II levels. Among these artefacts, some present visual macroscopic characteristics distinct from Aegean raw materials from Melos and Gyali islands. To determine the provenance of these obsidians, non-destructive analysis by particle induced X-ray emission (PIXE) were realised from a sampling of 31 artefacts. As suspected, the sources recognised are mainly Aegean, with the larger part (25 artefacts) identifiable to Melos sources (Sta Nychia: 21; Demenegaki: 4) and one piece to the Gyali island. The originality lies in the identification at Malia for the Ancient Minoan II levels of five artefacts attributed to Cappadocian sources, with four pieces coming from the Göllü Dağ volcanic complex and for the first time in the Aegean area, of one obsidian artefact ascribed to the Nenezi Dağ volcano.
Archaeological excavations of the Malia Minoan Palace (
In comparison to other regions, obsidians from Aegean archaeological sites, however significantly present in lithic industry, were not often analysed by physicochemical methods to determine their provenance
In this study we analysed the chemical composition of a selection of 31 Malia obsidian artefacts to determine their provenance.
The artefact selection was performed in order to represent the raw material appearances encountered in the Malia obsidian collection. The larger part corresponds to obsidians considered as Melian and the few which seem different. One of these artefacts is visually clearly attributed to the Gyali island, with its colour, transparency and numerous noticeable inclusions. Samples references and chronological attributions are given in
Elementary analysis is achieved by Particle Induced X-Ray Emission (PIXE) using the AGLAE facility
For analysed samples the thirteen elements quantified (Na, Al, Si, K, Ca, Ti, Mn, Fe, Zn, Ga, Rb, Sr and Zr) are presented in
Comparison of artefact composition with source samples analysed using the same conditions is illustrated by binary diagrams of
The last five samples form two distinct groups (of one and four members) which are not related to any Aegean sources. Comparison with published data
The sample attributed to the Gyali source comes from ancient excavations, is dated to Middle Minoan II and is one of the two small blocks of obsidian with a particular appearance associated with the 180 nodules found at the Palace north-west edge
Therefore, Anatolian obsidian was, though in extremely limited quantity, diffused as far as Crete since the middle of the third millennium BC at Ancient Minoan II period. But the presence of these raw materials raises questions about the way and reasons for this diffusion. Because it is not possible to attribute to these obsidians a specific nature or a particular function, we could only suppose the existence of episodic relations between Crete and Anatolian sources, of which modalities remain to be determined.
This work on provenance determination of Malia Palace obsidian artefacts concerns for the first time the beginning of Bronze Age in the Aegean, which is for Crete Ancient Minoan. This in the frame of research about contact and exchanges within Aegean world and its boundaries. As expected, the major part of analysed artefacts are sourced to Melos island, with both outcrop areas of Demenegaki and Sta Nychia. But some artefacts have an eastern origin, one from Gyali (160 km in straight line) and five from central Cappadocia (about 800 km, with Göllü Dağ and Nenezi Dağ sources).
These results underline for the Aegean area the interest of provenance determination of selected obsidian artefacts which could document the complex regional and trans-regional relations during Bronze Age, if not before.
This first set of analyses will be supplemented by a second sampling of Malia Palace obsidian collection which will be integrated in the publication of the whole study of obsidian industry envisaged in the “
Les fouilles archéologiques crétoises du palais minoen de Malia (École française d’Athènes) dirigées depuis plusieurs années par Pelon et al.
L’étude de cette industrie a été confiée à M. Séfériadès. Elle fait suite à celles des obsidiennes taillées provenant, d’une part, des sondages prépalatiaux et protopalatiaux de P. Crépin et J.-P. Salaün au sud-ouest du palais (Séfériadès, 1975, 23–32 ; 109–116
Les deux mille obsidiennes du palais font état des phases de préparation et de débitage des nodules, du mode particulier de fabrication, à l’Âge du Bronze, des outils et instruments, des techniques de taille, pour une part originales (proprement minoennes ? voire maliotes ?) : du bloc testé et du nucléus à la lamelle.
La quasi-totalité de ces obsidiennes proviennent de niveaux prépalatiaux, principalement de remblais datés du Minoen Ancien II (2400–2200 av. J.-C.). Quelques obsidiennes sont plus tardives (Minoen Moyen I-II et Minoen Moyen II).
La première étude (en 2003) des obsidiennes du palais concernait 460 pièces (sans compter les très nombreux cassons et esquilles) (anciennes fouilles, fouilles de 1964, 1965, 1968, 1978, 1979 et 1982) ; essentiellement des témoins du débitage par pression : nuclei (30 ; 6,52 %), éclats (154 ; 33,47 %), lamelles (265 ; 57,60 %) ; les outils retouchés étaient extrêmement rares (grattoirs en bout de lamelle, coches et troncatures) ; les burins sur cassure étaient exceptionnels.
Lors de cette première étude, quelques obsidiennes se distinguaient (à l’œil nu comme à faible grossissement) de l’ensemble du matériel (obsidienne de Mélos gris foncé, presque noire, de texture homogène, d’aspect terne ou au contraire plus ou moins brillant, faiblement translucide).
Par rapport à d’autres régions, les obsidiennes des sites égéens, pourtant bien représentées dans l’industrie lithique, ont rarement fait l’objet d’analyses physicochimiques destinées à déterminer leur provenance
Nous présentons ici les résultats obtenus grâce à l’analyse élémentaire d’une première sélection de 31 pièces en obsidienne du Palais de Malia pour en déterminer précisément la provenance.
Pour une première série d’analyses, une sélection d’artefacts en obsidienne, représentative des différents aspects des matières premières a été réalisée, afin d’en déterminer la provenance par analyse élémentaire (avec l’autorisation des autorités archéologiques grecques compétentes). L’échantillonnage (31 pièces) rassemble, d’une part, les obsidiennes considérées comme méliennes et, d’autre part, quelques-uns des rares exemplaires présentant une apparence différente. Ces quelques obsidiennes particulières se distinguaient à l’œil nu par leur texture extrêmement vitreuse comme sans minéral cristallisé (cassure remarquablement lisse et tranchant particulièrement acéré), leur translucidité et leur brillance teintées (bancs plus ou moins marqués) de tons fuligineux ou gris noir, verdâtres ou au contraire tirant sur le brun plus ou moins foncé. L’une des obsidiennes est identifiable immédiatement à l’œil nu comme provenant de l’île de Gyali (Dodécanèse) ; elle se distingue par sa couleur gris violet, sa texture, ses nombreuses inclusions étoilées blanchâtres (sphérules) (phénocristaux de quartz, microcline et albite) et, à la différence de l’obsidienne mélienne, par sa translucidité.
Le
Les analyses élémentaires ont été réalisées par
Pour notre série d’échantillons, la teneur en treize éléments chimiques (Na, Al, Si, K, Ca, Ti, Mn, Fe, Zn, Ga, Rb, Sr et Zr) a été déterminée. Les données obtenues, détaillées dans le
Les études réalisées sur les sources d’obsidiennes de la mer Égée
Les
La comparaison entre les compositions des échantillons de Malia et celles des sources égéennes montre que trois des groupes d’artefacts correspondent à ces sources (
Les cinq derniers artefacts forment deux groupes distincts (de un et quatre échantillons) qui ne correspondent à aucune des sources de la mer Égée. Afin d’en rechercher la provenance, les données obtenues ont été comparées aux bases de données précédemment établies et à celles disponibles dans la littérature. Les comparaisons ont été réalisées notamment avec les sources de Méditerranée occidentale
Il apparaît que la composition représentée par quatre échantillons de Malia correspond à la signature donnée pour une des sources de Cappadoce : le groupe Göllü Dağ Est
Le fragment Malia Δα, attribué à la source de Gyali, et daté du Minoen Moyen II (fouilles anciennes), correspond à l’un des deux petits blocs (ou très gros éclats) d’une obsidienne particulière, associés à un très grand nombre de nodules (180) rassemblés sur la bordure nord-ouest du palais, en contrebas du portique nord (quartiers III et IV)
Les échantillons d’obsidiennes en provenance d’Anatolie centrale (Cappadoce : à l’est d’Aksaray) sont au nombre de cinq et datent tous du Minoen Ancien II : trois lamelles et un éclat obtenus à partir de l’obsidienne du Göllü Dağ, une lamelle obtenue, première identification en domaine égéen, à partir de l’obsidienne du Nenezi Dağ voisin. Ces informations sont particulièrement originales dans le cadre de la circulation de l’obsidienne dans le monde égéen. Elles complètent les précédentes mentions d’obsidiennes cappadociennes en Crète, avec les trois échantillons en provenance du Göllü Dağ signalés sur le site de Knossos
L’obsidienne anatolienne, quoiqu’en quantité extrêmement limitée, était donc exportée jusqu’en Crète, et ce, au moins dès le milieu du troisième millénaire av. J.-C., dès la période du Minoen Ancien II.
Elle pouvait arriver en Crète directement ou via l’île de Kalymnos (Aghia Varvara, Chiromandres, Embolas, Vathi), le long des côtes orientale et septentrionale, dans le cadre de systèmes d’échanges probablement extrêmement complexes : réseaux commerciaux, dons et contre-dons, haltes et comptoirs anatolo-assyriens ou plus anciens, en gestation ou bien établis de type Kanesh, par voies terrestres et/ou maritimes (cabotage), parallèlement à d’autres importations en domaine égéen, tel en premier lieu le cuivre, matériau progressivement, mais dans un premier temps jusqu’à une certaine limite, de plus en plus concurrent
Les résultats de ces analyses sont d’une grande importance pour la fin de la Préhistoire, la transition et le début de l’Histoire du Monde égéen. Il s’agit d’analyses se rapportant pour la première fois, au tout début de l’Âge du Bronze et, s’agissant de la Crète, au Minoen Ancien.
Ces résultats viennent étayer toute une série d’hypothèses, renforcer un ensemble de directions de recherche relatif, au seuil de l’Âge du Bronze, aux échanges transrégionaux de toutes sortes, avec, d’une part, les régions continentales comme le domaine insulaire du Monde égéen et, d’autre part, l’Orient (de l’Egypte et du Levant à l’Anatolie). Échanges économiques, approvisionnements en matériaux « exotiques » divers avec, pour conséquence, de multiples influences étrangères d’ordre socioéconomique et inévitablement culturel.
Bien évidemment, les analyses rendent compte de l’origine, pour ainsi dire uniquement mélienne, de la totalité de l’industrie : obsidiennes de la côte nord (Sta Nychia) et de la côte est (Demenegaki). Ces obsidiennes auraient quitté cette île cycladique sous la forme de nodules souvent testés, directement ou par cabotage via les îles de Folégandros et de Santorin et atteignant quelque part (directement Malia ou ailleurs) la côte septentrionale de Crète, un périple annuel et/ou saisonnier d’environ 200 km exposé aux vents dominants. Mais quelques obsidiennes ont une origine orientale (Gyali, distante de 160 km à vol d’oiseau), ou franchement orientale (Cappadoce, un peu plus de 800 km à vol d’oiseau).
Cela souligne l’intérêt de ces analyses et les directions de recherche qu’elles accompagnent, les justifient ou encore mettent en évidence sous un jour nouveau. Elles viennent éclairer et confirmer la complexité, tout au long de l’Âge du Bronze sinon antérieurement (Néolithique), des échanges transrégionaux (Monde égéen : Cyclades, Dodécanèse, Crète et Asie Mineure).
Pour compléter ces premiers résultats et préciser la présence éventuelle, au Palais de Malia, d’autres obsidiennes non égéennes, une seconde série d’échantillons a été sélectionnée pour être caractérisée dans les mêmes conditions. Les résultats seront alors intégrés à la publication de l’ensemble des études autour de l’industrie lithique en obsidienne du Palais de Malia qui est prévue dans le
Nous tenons à remercier tout particulièrement, pour l’intérêt porté à ce projet d’analyses, l’appui donné et les grandes facilités accordées pour l’étude des échantillons en France, l’Ephorie d’Aghios Nikolaos (V. Apostolakou et ses collaborateurs), les Autorités concernées du Ministère Grec de la Culture et l’École Française d’Athènes en la personne de son directeur D. Mulliez. Pour l’accès et l’assistance aux analyses PIXE nous remercions l’équipe AGLAE du C2RMF (J. Salomon, L. Pichon, B. Moignard) et le GdR 2114 du CNRS « Physicochimie des matériaux du patrimoine culturel » (ChimArt2).
Localisation du site de Malia et des sources d’obsidienne représentées sur le site.
Représentation des teneurs en calcium (CaO) versus silicium (SiO2) pour les pièces archéologiques de Malia. Sont aussi reportées celles d’échantillons géologiques correspondant aux sources identifiées.
Diagramme binaire comparant les teneurs en manganèse (MnO) et titane (TiO2) pour les pièces archéologiques de Malia et des échantillons géologiques correspondant aux sources identifiées.
Diagramme binaire comparant les teneurs en strontium (Sr) et rubidium (Rb) pour les pièces archéologiques de Malia et des échantillons géologiques correspondant aux sources identifiées.
Liste des artefacts de Malia analysés : références, chronologie, typologie, détail des compositions chimiques déterminées par PIXE et source/groupe compositionnel correspondant
Fouilles anciennes/ancient excavations.