Les assemblages d’ostréidés fossiles présentent une grande diversité de géométries spatiales. Leurs accumulations peuvent être, soit tridimensionnelles (lumachelles), dans l’épaisseur d’un banc, soit bidimensionnelles, à la surface d’un banc (
Fossil oyster assemblages have a great diversity of geometries. Their accumulations can be tridimensional (shell bed), within a strata, or bidimensional, on a strata surface (hardground). A taphonomic analysis can be used to discriminate these assemblages according to the way in which time has been recorded in sedimentary sequences. This preliminary analysis conditions palaeoenvironmental interpretations. Thus, a typology of the various existing assemblages is proposed according to several examples of shellbeds of the Upper Cretaceous of the North-Aquitaine basin (SW France) and the Upper Neogene of Andalucía (SE Spain).
According to their quality of fossilization and their abundance, oysters represent a privileged support for palaeoenvironmental reconstructions. However, until now, oysters have been only used for palaeoecological studies when they constitute remarkable shellbeds
Three kinds of 3D autochthonous assemblages can be differentiated.
(1) The 3D census assemblages are the best-preserved assemblages
(2) The 3D within-habitat time-averaged assemblages are comprised of autochthonous specimens, but result from the mixing of several time intervals. Palaeoenvironments are supposed to be stable through time. Time averaging
(3) The 3D multi-habitat time-averaged assemblages
The last cases of 3D assemblages incorporate partly or completely allochthonous specimens. Such assemblages can be induced by abiotic or biotic factors.
(1) The best-known abiotic factors are tempest and stream effects. Sedimentary structures (e.g., HCS) and peculiar size-frequency distributions of oysters (e.g., the Gaussian one) allow us to discriminate between such assemblages. An example is given by the shellbeds of the Upper Cenomanian from the Port-des-Barques cliffs (Charentes, southwestern France) (
(2) Effects of biotic factors are not direct. For instance, bioturbations could generate anfractuosities, which are secondarily filled by shells under the action of abiotic factors. The
Cemented on a rocky substrate or arranged on firm sediment, oysters can colonize surfaces and so constitute two-dimensional assemblages that underline sedimentary discontinuities.
In the case of 2D assemblages, notions of condensation and time averaging cannot be distinguished. The longer time the surface represents, the more the condensation and the mixing of faunas are important.
2D assemblages can be classified according to their degree of ‘maturity’, which corresponds to the lithification state of the substrate. As for the 3D assemblages, three types of assemblages can be distinguished.
(1) A 2D census assemblage appears when a surface of short sedimentation stopping is developed
(2) The 2D within-habitat time-averaged assemblages appear when the lack of sedimentation is enough to accumulate several cohorts or settlements. When the lack of sedimentation is very long, there is a progressive substrate lithification, followed by changes in the community structures. Several shellbeds of the Upper Campanian from the Caillaud section can be taken as examples (Charentes, southwestern France)
(3) The 2D multi-habitat time-averaged assemblages appear when sedimentary surfaces record a succession of different environments. As in the 3D assemblages, it is difficult to determine the nature and the chronology of the environments
The 2D allochthonous assemblages are constituted by organisms that did not live in situ. Any synecological interpretation of these composite assemblages would be vague or inaccurate. However, as opposed to 3D allochthonous assemblages, these 2D structures can be regarded as rare for two main reasons: processes responsible for such structures (storms...) generally generate 3D structures; biomass produced by oysters is so important that its reworking mainly forms 3D structures.
Les ostréidés constituent, avec les pectinidés, l’un des rares groupes de bivalves dont la coquille possède un fort potentiel de fossilisation, leur nature calcitique favorisant la conservation. De par leur qualité de préservation et leur abondance, les ostréidés représentent ainsi un support privilégié pour les analyses paléoenvironnementales des séries marines anciennes.
Jusqu’à présent, les huîtres
Une approche théorique de différents assemblages coquilliers à déjà été réalisée à de nombreuses reprises par Kidwell
L’analyse de la distribution stratigraphique et paléoenvironnementale des ostréidés a été réalisée sur différentes coupes du Crétacé supérieur des Charentes (Bassin aquitain, Sud-Ouest de la France)
L’une des caractéristiques premières des ostréidés est leur aptitude à pouvoir se cimenter sur des surfaces et ainsi constituer des assemblages localisés dans un plan. Ces plans peuvent être révélateurs de discontinuités sédimentaires majeures ou locales (c’est-à-dire
Pour savoir si un assemblage est constitué de coquilles autochtones ou non, Kidwell
L’estimation du temps que représente la réalisation d’assemblages fossiles est une chose difficile. De ce fait, les différentes bioaccumulations d’huîtres sont ici analysées à l’aide d’une grande variété de méthodes. Chaque faciès à huîtres est caractérisé par l’âge des spécimens qui le composent (grâce à la sclérochronologie), par le nombre de générations associées dans un même niveau, par l’ampleur de la colonisation
Le terme de condensation s’utilise lorsque le rapport (temps de dépôt)/(épaisseur de sédiment) est important. Cette notion repose sur le libre arbitre de chacun, si l’on se réfère à la définition de Jenkins
Les assemblages d’ostréidés colonisant un plan seront appelés « structures 2D ». Ces surfaces peuvent être considérées comme le summum de la condensation, puisqu’elles résultent d’un taux de sédimentation nul. Une condensation moins prononcée conduit à la création de bancs en trois dimensions (« structure 3D »). De nombreux articles relatent également des condensations à l’échelle d’une série sédimentaire
La notion d’amalgame temporel, ou
La classification des différents assemblages d’ostréidés proposée ici tente de prendre en compte le les les les
Par définition, ce type d’assemblage correspond à tous les corps sédimentaires en trois dimensions qui contiennent une faune d’ostréidés, considérée comme « census » (
La composition faunique de ces assemblages n’est pas toujours parfaitement homogène le long de la verticale d’un banc. Cette particularité, propre à ce type d’assemblage, permet d’assimiler la hauteur du banc à un axe de temps. Chacun des plans situés sur cet axe représente un environnement particulier à un instant
L’enregistrement continu d’un environnement donné est souvent très réduit. Il ne représente qu’un laps de temps très court, de l’ordre de la journée à la dizaine d’années
L’exemple présenté se localise sur l’île Madame (Charentes), dans le niveau « E » du Cénomanien supérieur
L’histoire de cette bioconstruction peut être analysée dans un cadre spatio-temporel. Comme tous les pycnodontes,
Des études sclérochronologiques permettent d’estimer le temps que représente la formation de cette bioconstruction, ainsi que la vitesse du relais faunique : si l’on réalise des coupes transversales sur les coquilles de ces
Ces assemblages sont composés d’individus uniquement autochtones, mais résultent de l’amalgame (empilement, brassage in situ) de plusieurs populations issues de tranches de temps différentes. L’amalgame temporel ne s’est réalisé que sur une tranche de temps relativement courte, où les conditions environnementales du milieu sont restées stables. De tels assemblages ont donc l’avantage d’être constitués de populations semblables issues d’environnements similaires et permettent une caractérisation paléoenvironnementale particulièrement précise.
À titre d’exemple, les assemblages lumachelliques messiniens andalous de la coupe de La Mela du bassin de Sorbas (Sud-Est de l’Espagne, sections « c » et « d » in
La composition spécifique de l’assemblage et la proportion respective des organismes restent relativement stables sur l’ensemble de la coupe. Les échinides et les bivalves qui ont pu être étudiés montrent des conclusions similaires quant à l’approfondissement général des milieux de dépôt
Ce type d’assemblage est constitué d’un amalgame de populations produites in situ, appartenant à des tranches de temps différentes et issues de conditions environnementales différentes (variations locales dans le temps de la profondeur, de la température, de la salinité). Cette dernière particularité limite fortement les interprétations paléoenvironnementales possibles
Dans la plupart des cas, il est très difficile de séparer et de caractériser les différents milieux mélangés. Plus encore, il est impossible de retrouver quelles étaient les conditions successives, et donc d’interpréter la dynamique environnementale amenant à la création des unités biosédimentaires.
La caractérisation de ce type d’assemblage grâce aux seuls ostréidés est difficile. Les ostréidés sont a priori rarement considérés, au niveau spécifique, comme de bons marqueurs environnementaux. Les espèces les plus fréquentes sont relativement ubiquistes et les reconstitutions environnementales se font majoritairement sur l’analyse de l’ensemble de l’assemblage
L’exemple adopté est celui d’une lentille marneuse de l’île Madame (Charentes), au sommet du Cénomanien inférieur (niveau B3
Le dernier type d’assemblage 3D répertorié est celui constitué de faunes allochtones. Dans ce type d’assemblage, la totalité ou la majorité des faunes constituant l’assemblage n’a pas été produite in situ et ne reflète donc pas l’histoire environnementale du site étudié. Il s’agit bien souvent d’assemblages entièrement composites, sans aucune signification paléoenvironnementale.
Les lumachelles sont souvent classées abusivement dans ce type de catégorie. La désarticulation de quelques individus ou le mauvais état de préservation de quelques autres ne signifie pourtant pas forcément la réalité de tout un assemblage. Par ailleurs, le caractère encroûtant de nombreuses espèces d’ostréidés peut restreindre le nombre d’individus remaniés. Néanmoins, toutes les espèces d’huîtres n’ont pas cette capacité de fixation et les exemples d’assemblages 3D allochtones sont fréquents.
Les facteurs responsables de la genèse de tels assemblages sont sensiblement les mêmes que ceux introduisant de l’amalgame temporel. Ils peuvent ainsi avoir une origine biotique (bioturbation) et/ou abiotique (hydrodynamisme).
Les facteurs abiotiques restent majoritaires dans la création de faunes allochtones. Les facteurs les plus généralement cités sont les effets des tempêtes sur les dépôts. Néanmoins, l’exemple des lumachelles de la falaise du Cénomanien supérieur de Port-des-Barques (niveau G1
À l’inverse, tous ces critères ne se retrouvent pas dans les deux lumachelles supérieures. Ces assemblages présentent même une organisation verticale des espèces, caractéristique d’un assemblage
L’origine biotique des concentrations d’ostréidés est souvent indirecte. Il s’agit le plus souvent des effets de la bioturbation, qui crée des infractuosités ou des espaces particuliers dans lesquels viennent se piéger les coquilles d’huîtres, notamment sous l’action des courants. Mise à part l’exception particulière du Quaternaire, où l’on retrouve des « cavités poubelles » remplies d’huîtres par l’homme (par exemple, les sites gallo-romains), les huîtres ne connaissent pas de prédateurs susceptibles de déplacer ou accumuler leurs coquilles. Le rôle des facteurs biotiques chez les huîtres reste donc minime en comparaison du cas des micro-mammifères, qui se concentrent dans les karsts via des pelotes de régurgitation, ou de celui des coprolithes de poissons mangeurs d’échinides et d’astérides.
L’effet des bioturbations sur les concentrations d’huîtres peut être illustré par l’exemple de la seconde barre carbonatée du Cénomanien inférieur de Fouras (niveau B3
Les huîtres ont pour particularité de pouvoir former des assemblages en deux dimensions. Grâce à leur aptitude à se cémenter sur le substratum, elles peuvent ainsi coloniser les surfaces marqueurs de discontinuités sédimentaires. Les huîtres surligneront d’ailleurs d’autant mieux les discontinuités que le temps propice à leur développement sera long. C’est une caractéristique importante de ce groupe, qui se révèle intéressante si l’on s’intéresse aux modalités d’enregistrement des lacunes sédimentaires. Tout comme leurs homologues 3D, ces assemblages peuvent permettre de caractériser des environnements paradoxalement non préservés par du sédiment. Tous les assemblages 2D n’ont cependant pas la même valeur, et différents cas peuvent être répertoriés (
Dans un premier temps seront définis les assemblages 2D composés principalement d’organismes autochtones. Ces surfaces sont présentées suivant leur degré de « maturité », à savoir leur évolution vers une induration de plus en plus prononcée du substrat. Comme pour les assemblages 3D, les limites que posent les différents assemblages en termes de reconstitutions paléoécologiques sont discutées.
Dans ce cas précis, les notions de condensation et d’amalgame temporel sont similaires. Plus une surface représentera un laps de temps important, plus l’amalgame temporel engendré sur les faunes sera important, et plus il pourra être dit que la condensation est importante.
Une discontinuité sédimentaire faiblement marquée caractérise un arrêt de sédimentation de courte durée (
La coupe pliocène de Las Roderas, dans le bassin de Vera (Sud-Est de l’Espagne) est un exemple d’assemblage
Ce type d’assemblage se constitue, lorsqu’un arrêt de sédimentation se prolonge suffisamment pour permettre l’accumulation de plusieurs cohortes ou peuplements. L’amalgame des organismes ne concerne que des individus s’étant développés sous des conditions environnementales relativement similaires. Les surfaces exposées ont pu être légèrement indurées par des processus biologiques et diagénétiques, mais sans que cela modifie fondamentalement les communautés d’invertébrés, et notamment les peuplements d’huîtres. De tels assemblages fossiles sont rares ou difficiles à mettre en évidence.
La falaise du Campanien supérieur du Caillaud (Charentes) est marquée par une succession de bancs calcaires plus ou moins rythmés
Les faunes et faciès associés à ces niveaux (échinides, astérides) sont, cependant, très similaires à ceux des bancs sous- et sus-jacents
Ces assemblages caractérisent des surfaces qui ont été exposées à des environnements différents, au fur et à mesure de l’induration progressive du substrat. Comme dans les assemblages 3D homologues, il est difficile de déterminer la nature précise des peuplements qui se sont développés sur ces surfaces et encore moins d’en établir une chronologie, malgré une forte disparité de conservation des coquilles. Ce sont généralement les arrêts de sédimentation les plus longs, associés à des discontinuités stratigraphiques majeures
Le
La disparition des cohortes ne permet pas de déterminer le temps que représente la formation de ces assemblages.
Les assemblages 2D allochtones rassemblent des organismes qui n’ont pas vécu
Compte tenu de la rareté de ces assemblages, un seul exemple a pu être clairement identifié, localisé entre les deux épisodes bioconstruits à
Les ostréidés sont aptes à coloniser une grande variété d’environnements différents, mais leur principale particularité est d’être intégrés en abondance, à la fois dans des unités stratigraphiques en 3D (comme nombre de bivalves « classiques ») et sur des discontinuités sédimentaires 2D.
La différenciation entre les assemblages 2D et les assemblages 3D implique beaucoup plus qu’une simple conformation géométrique. La genèse et l’évolution de ces deux types d’assemblages sont vraiment différentes. Il existe une relation étroite entre les différentes catégories d’assemblages 2D, puisqu’il s’agit d’une évolution graduelle entre un stade initial
Tous les types d’assemblages d’huîtres n’enregistrent pas le temps de la même manière. Ils peuvent être condensés et/ou résultant d’un amalgame temporel, ce qui peut perturber profondément l’enregistrement de la composition des paléocommunautés d’origine. Une double analyse, taphonomique et séquentielle, est incontournable pour une correcte interprétation des paléoenvironnements.
Les assemblages 3D et 2D
Les assemblages 3D et 2D, résultant d’un amalgame temporel de populations successives issues d’un même habitat (
Les assemblages 3D et 2D résultant d’un amalgame temporel de populations successives issues d’habitats différents (
L’aptitude qu’ont certaines huîtres à encroûter une surface n’est pas généralisable. De nombreuses huîtres ne sont fixées qu’au début de leur vie, ou ne préfèrent que des substrats meubles sableux ou vaseux. Les assemblages allochtones qui découlent de leur transport sont généralement en 3D et ont pour origine des facteurs majoritairement abiotiques. L’analyse de tels assemblages ne permet pas d’identifier un type d’environnement précis, mais pourrait permettre de réaliser une synthèse des environnements régionaux, d’estimer la proximité et la diversité des milieux alentour.
Fig. 1.
Les assemblages 3D autochtones.
Fig. 2. 3D autochthonous assemblage.
Les assemblages 2D autochtones.
Fig. 3. 2D allochthonous assemblage.