La séquence pollinique du Velay a permis d'y préciser les variations du climat au cours des 450 derniers millénaires et témoigne de la très grande complexité des quatre derniers cycles climatiques. Cet enregistrement est confronté avec deux séquences plus anciennes d'Italie du Nord, celle de Leffe au Pléistocène ancien, qui s'achève vers 1 Ma, et celle de Piànico-Sèllere, qui débute vers –800 ka. Il en ressort que l'amplitude et le rythme des cycles ont radicalement changé entre –1 Ma et –800 ka. Aux oscillations relativement courtes de faible amplitude, avec des interglaciaires très humides et de glaciaires peu marqués, du Pléistocène ancien font suite des alternances beaucoup plus abruptes entre glaciaires froids et secs et interglaciaires à climats proches de l'Actuel. Les cycles de 100 000 ans s'installent. Ce basculement correspond à une phase majeure d'extinction de taxons forestiers hérités du Tertiaire. .
The already well-known pollen sequence from Velay illustrates the great complexity of the climate oscillations during the last 450 000 years (four climatic cycles). This sequence is compared with two records from northern Italy, Leffe (Lower Pleistocene till ca –1 Ma) and Piànico Sèllere (starting at ca –800 ka). It confirms that the glacial/interglacial cycles dramatically changed between 1 Ma and 800 ka. Lower Pleistocene cycles are shorter and warmer, with poorly marked glacial intervals; the climatic amplitude of Middle Pleistocene cycles is greater, from cold and dry glacial to interglacial optimums similar to the present. This change corresponds to the setting of the 100 000-year cycles associated with a major extinction phase for forest trees unable to survive during glacial intervals. .
En paléoécologie végétale comme dans les autres domaines de la paléontologie, c'est au terrain qu'il faut arracher de nouvelles connaissances. Mais les restes identifiés ne trouvent leur sens qu'à la lumière de théories unificatrices. Dès les travaux du XIXe siècle, un refroidissement progressif du climat de la Terre depuis le début du Tertiaire avait été décrit. De l'observation des complexes morainiques et des terrasses associées en Allemagne du Nord et sur le flanc nord des Alpes, naissait la perception d'un Quaternaire « pluriglacialiste ». Les pères fondateurs Penck et Bruckner
Si cette multiplicité de cycles climatiques n'avait pas été appréhendée plus tôt sur le continent, c'est que les terres émergées sont continuellement soumises à des alternances d'accumulation et d'érosion, qui effacent les archives sédimentaires plus ou moins rapidement après leur mise en place, créant des discontinuités spatiales et temporelles. La reconstitution des environnements continentaux s'appuie donc sur le classement d'informations provenant de séquences courtes et isolées à l'aide de l'arsenal des méthodes de datations relatives et absolues, avec tous les risques d'erreur que cela comporte. Mais, par chance, il existe quelques cas exceptionnels de sites ayant permis l'accumulation et la conservation dans la longue durée des sédiments lacustres ou palustres favorables aux études paléoenvironnementales. Il peut s'agir de bassins subsidents : c'est le cas de la première très longue séquence pléistocène mise en évidence en Europe, celle de Thenagi Philippon, en Macédoine
L'attention est seulement portée ici sur la longue séquence du Velay, qui est la référence en Europe de l'Ouest pour les 450 derniers millénaires et sur deux longues séquences des Alpes bergamasques (Leffe et Piànico-Sèllere), qui éclairent une période critique de la transition Pléistocène ancien /Pléistocène moyen.
Les cratères du Velay ont fait l'objet d'une exploration pluridisciplinaire intensive à partir des années 1980. Parmi ceux-ci, le lac du Bouchet a fourni un enregistrement sub-continu depuis l'Actuel jusqu'à environ 300 ka, et le tout proche cratère comblé de Praclaux recèle une séquence lacustre couvrant l'intervalle 250–450 ka. Grâce à la présence d'un niveau de cendres volcaniques commun aux deux sites et daté par Ar/Ar de 375 ka, il a été possible de construire une séquence pollinique couvrant cinq cycles climatiques, dont les grands traits sont résumés sur la
L'actuel interglaciaire, par ailleurs bien documenté sur l'ensemble du Massif central
Autour d'un schéma commun, il existe cependant de nettes différences entre les successions forestières des cinq interglaciaires principaux dont les détails sont rappelés sur la
Si l'on examine la dynamique des « super-interglaciaires » évoqués plus haut, on constate que le modèle décrit pour la première fois à La Grande Pile, avec la succession de l'Éémien, et des interstades très tempérés nommés Saint-Germain 1 et Saint Germain 2, est quasi constant pour les cycles précédents. Sans entrer dans le détail des modèles d'âges – permettant des corrélations à grande distance –, un alignement « pic à pic » (
On estime généralement que l'OIS 5 débute vers –135 ka pour s'achever vers –75 ka, soit une durée de 60 ka, à peu près équivalente à la durée du dernier pléniglaciaire (entre 75 et 14 ka)
Pendant longtemps, la séquence du Velay a été « orpheline », ne trouvant des éléments de comparaison qu'avec des séries lointaines. Depuis peu, les analyses polliniques de carottes marines, prélevées sur la marge Ibérique dans le cadre du programme IMAGES, permettent des comparaisons directes et sûres avec le domaine nord-atlantique, en confirmant la robustesse du signal du Velay. Elles ouvrent la voie à une modélisation plus sûre des mécanismes d'entrée et de sortie des glaciations
Au nord-est de Bergame, les anciens lacs de Leffe et Piànico sont distants de seulement 30 km. Le premier correspond à un lac de barrage, marginal à un ancien cône de déjection de la vallée du Serio, et le second à un surcreusement glaciaire, derrière un verrou structural dominant le lac d'Iseo. À Leffe, les sédiments lacustres accumulés sur une grande épaisseur incluent des niveaux de lignites dont l'exploitation dès le XIXe siècle a entraîné de riches récoltes paléontologiques, permettant leur attribution au Pléistocène ancien. Dans le cadre de l'étude pluridisciplinaire d'un carottage réalisé en 1991, les analyses polliniques d'une colonne de 35 m de sédiments
À Piànico-Sèllere, l'érosion du verrou a entraîné une incision des sédiments lacustres, qui affleurent sur près de 7 km le long de la rivière. Jusqu'aux récentes recherches pluridisciplinaires conduites par le
Les travaux des préhistoriens et anthropologues ont montré à quel point l'évolution humaine a été tributaire des changements environnementaux et climatiques qui ont rythmé le Pléistocène. Depuis quelques décennies, l'investissement de la communauté internationale pour la reconstitution de ces derniers a été considérable. L'enjeu crucial est, en effet, l'utilisation de ces données pour construire des modèles prédictifs (incluant les perturbations anthropiques du cycle du carbone) préparant une humanité fragilisée par son abondance au choc des prochains changements.
Dans leur effort de couplage atmosphère/océan/continent, les modélisateurs éprouvent de la peine à intégrer le très grand nombre de données disparates disponibles pour les surfaces continentales. Les longues séquences continues y constituent des assises robustes, autour desquelles peuvent être ordonnées les informations plus discontinues. C'est ainsi, par exemple, que la série du Velay a permis de montrer (même si certains le contestent encore
Diagramme pollinique simplifié de la séquence composite du Velay (d'après
Fig. 1. Simplified pollen diagram of the composite pollen sequence from Velay (from
Comparaison des dynamiques forestières pendant les cinq interglaciaires successifs de la séquence du Velay.
Fig. 2. Compared forest dynamics during five interglacials in the Velay sequence.
Comparaison entre la courbe des températures de la carotte de glace antarctique de Vostok
Fig. 3. Comparison between temperatures curve in the Vostok Antarctic ice core and the pollen curve of the most thermophilous trees in the Velay sequence.
Comparaison schématisée des successions végétales pendant les cycles du Pléistocène ancien et ceux du Pléistocène moyen/supérieur.
Fig. 4. Differences between vegetations cycles during the Lower Pleistocene and during Middle/Upper Pleistocene.