Le manuscrit du
The manuscript of the
Alcide d’Orbigny
Alcide d’Orbigny eut à deux reprises l’occasion de dispenser un cours de paléontologie stratigraphique. La première fois, ce fut lorsqu’il suppléa Constant Prévost à la Sorbonne, en donnant du 27 avril au 3 août 1849 les 28 leçons d’un
La seconde fois, ce fut en 1854 et 1855 au Muséum national d’histoire naturelle, après sa nomination, le 5 juillet 1853, comme titulaire de la nouvelle chaire de paléontologie créée spécialement pour lui par un décret impérial. Le manuscrit de ce cours, sobrement intitulé
Tel qu’on peut en juger d’après le manuscrit que nous avons étudié, le cours professé au Muséum national d’histoire naturelle par Alcide d’Orbigny débuta avant le 27 mars 1854 et se termina le 23 juillet 1854, le cours ayant été suspendu au début du mois d’août 1854 pour ne reprendre que le 12 mars 1855. Il comportait environ 70 leçons très documentées, pendant lesquelles l’auditeur devait avoir parfois l’impression d’être quelque peu submergé par le volume d’informations délivrées par le professeur.
Il convient d’aviser ici le lecteur que dans les citations qui suivent, l’orthographe et la ponctuation, souvent défectueuses de l’auteur ont été rectifiées conformément aux usages en vigueur au milieu du XIXe siècle. Par ailleurs, lorsque les citations sélectionnées répètent à l’identique ou de manière plus ou moins libre des passages du
En réalité, la première séance du cours de première année, consacrée le 27 mars 1854 aux
Il n’est pas surprenant d’y trouver un hommage appuyé aux
« Cuvier est pour nous le véritable créateur de la science paléontologique. Mais Cuvier ne serait certainement arrivé à aucun résultat certain s’il ne se fût associé Alexandre Brongniart
Évoquant alors l’
« C’est le premier travail où les fossiles soient indiqués dans leurs étages respectifs. C’est en un mot la base de tous les travaux postérieurs sur la stratigraphie paléontologique ou sur l’ordre chronologique de succession des êtres dans les couches terrestres. Ce sont ces résultats qui ont permis à Cuvier de dire dès 1812, dans son mémorable discours sur les mammifères fossiles
On peut, en revanche, s’étonner qu’Alcide d’Orbigny n’ait pas cité le mémoire de Brongniart
Alcide d’Orbigny rendait ensuite un vibrant hommage à un autre de ses prédécesseurs : « L’ouvrage stratigraphique le plus remarquable pour l’époque est sans contredit celui de Smith, publié en 1816 à Londres et ayant pour titre
Il déplorait alors la situation qui prévalait dans notre pays :
« Tandis qu’en France, négligeant les données importantes de Cuvier et Brongniart sur les fossiles, on prenait pour bases de la géologie, d’après Werner, les caractères minéralogiques des roches, les Anglais marchaient à pas de géants sur les traces de Cuvier et Smith en prenant pour base les éléments paléontologiques. C’est ainsi que parurent presque simultanément en 1822 les ouvrages de la
Après avoir énuméré les noms de Fitton, Murchison, Sedgwick et ceux de plusieurs géologues allemands (Roemer, Geinitz, Klipstein, de Münster 〚le comte zu Münster〛 et Goldfuss), Alcide d’Orbigny évoquait son propre rôle, dont témoignent les volumes de sa
« Il ne restait plus qu’à circonscrire ces étages d’après des données stratigraphiques plus rigoureuses et à rectifier les éléments paléontologiques jusqu’alors peu réguliers, et souvent traités par des hommes étrangers à la zoologie. Ce sont ces recherches auxquelles nous avons dû nous consacrer dès 1839, après avoir pendant plus de vingt ans étudié les couches géologiques et les fossiles sur les lieux et les animaux vivans, chez eux, dans leurs mœurs et leurs habitudes » 〚Fo 10〛.
Vient plus loin un commentaire dont le chauvinisme ne manquera pas de faire sourire :
« En résumé, l’on voit que l’Angleterre avait d’abord devancé la France, ce que du reste nous avons prouvé par les étages : Silurien, Devonien, Bathonien, Callovien, Oxfordien, Corallien, Kimmeridgien et Portlandien, parfaitement circonscrits par les géologues anglais et que nous avons conservés. Pourquoi nous avaient-ils ainsi devancés ? Nous pouvons le dire. C’est qu’ils partaient des bases établies pour la première fois en France par Cuvier et Brongniart. Car il ne faut pas oublier que la France, comme toujours, avait pris l’initiative de la marche rationnelle suivie par les géologues anglais. Espérons que maintenant la France, toujours à la tête du progrès, ne restera plus en arrière sous le rapport paléontologique » 〚Fo 11〛.
Alcide d’Orbigny soulignait ensuite qu’« il n’y a rien de plus nuisible pour les sciences positives que les idées préconçues, nées dans le cabinet, sans recherches préalables sur les lieux, sans la connaissance des faits les mieux constatés », rappelant à ce sujet les billevesées d’un certain « littérateur philosophe » du siècle précédent 〚il s’agit de Voltaire〛, auteur d’un propos aventureux sur les coquilles fossiles trouvées sur les montagnes. Mais c’était pour mieux s’en prendre ensuite à « un professeur qui nous a devancé dans cette enceinte 〚et qui〛 produisait une théorie de la même force qui pourtant a eu quelque retentissement » 〚Fo 12〛.
« M. de Blainville, contradicteur quand même de Cuvier et de ses travaux, et contradicteur habituel de tout le monde, traitait tous les travaux sérieux de tant d’auteurs consciencieux, et observateurs, de rêves, de romans paléontologiques et cherchant à prouver que tous les êtres loin d’être parus successivement et de pouvoir caractériser les étages étaient tous nés à la fois au commencement du Monde, qu’il avait été créé, en nature et en germes, au commencement du Monde un nombre considérable d’espèces comprenant tout ce que nous connaissons d’espèces vivantes et fossiles, et que ces espèces ont successivement diminué de nombre pour être beaucoup moins nombreuses actuellement qu’elles ne le sont dans les âges anciens » 〚Fo 12-13〛.
Alcide d’Orbigny rappelait également :
« M. de Blainville croit que si l’on n’a pas encore trouvé de Mastodontes, de Megatherium, et tant d’autres animaux perdus dans les couches les plus inférieures de l’écorce terrestre, c’est qu’on a mal cherché. Il comparait du reste l’ensemble des êtres à un arbre qui aurait successivement laissé tomber ses feuilles depuis le commencement du monde animé jusqu’à l’époque actuelle. De ce principe, il résultait nécessairement que l’homme contemporain de l’époque actuelle aurait dû aussi se trouver dans l’étage silurien par exemple, avec de grands animaux mammifères que nous savons ne pas y exister. On conçoit qu’une théorie semblable se trouve en contradiction complette avec tous les faits, avec toutes les données géologiques et paléontologiques, et ramène à de pures fictions les travaux importants de tant d’hommes illustres par leurs longues recherches. C’était d’un trait de plume, ou d’un seul mot, faire de tous les professeurs de géologie de France et de l’étranger des imposteurs, des rêveurs et stigmatiser les géologues du monde entier » 〚Fo 14〛.
Et pour bien se faire entendre, Alcide d’Orbigny faisait remarquer à son auditoire « qu’il y a deux paléontologies distinctes qu’il ne faut pas confondre ». Ce sont :
« la Paléontologie romantique, qui consiste à dire tout ce qui passe par la tête de son auteur, sans tenir compte des faits les plus connus, les mieux constatés. Cette paléontologie peut être créée dans le cabinet » 〚Fo 15〛 ; « la Paléontologie rationnelle, réelle, qui ne marche qu’avec les faits les plus rigoureux, et qui demande souvent une vie entière de recherches, de peines, de travaux immenses sur les lieux, pour arriver à vous dire quelques vérités. Pour nous, la paléontologie ne consiste pas seulement dans l’étude des animaux fossiles comme êtres organisés comparés aux êtres vivans. Ce n’est qu’un petit côté de cette science que nous désignerions plus particulièrement comme zoologie fossile. Certainement il faut de longues études zoologiques préalables, avant de s’occuper de paléontologie. Mais la simple comparaison des animaux fossiles aux animaux vivants, dans leurs caractères, ne constitue pas la paléontologie, car elle ne dit rien sur leur âge respectif, les âges passés, &c., &c. » 〚Fo 15-16〛.
Et Alcide d’Orbigny d’enchaîner avec deux exemples de fossiles : L’«
Après une leçon d’introduction consacrée, le 27 mars 1854, aux « couches fossilifères », au cours de laquelle il passa rapidement en revue les « terrains paléozoïques, triasiques, jurassiques, crétacés, tertiaires (cinq grandes périodes avant la création de l’Homme et de la nature actuelle) », Alcide d’Orbigny débuta, dès la seconde séance (31 mars 1854), l’étude de l’étage Silurien, auquel il semble avoir consacré trois leçons (il se livra, dans la deuxième, à des développements sur les « causes actuelles »), avant de traiter dans la cinquième séance (
L’enseignement reprit le 12 mars 1855. Le professeur y récapitula d’abord les principaux enseignements du cours de première année, avant de consacrer la séance du 16 mars 1855 à la « Géographie ancienne ». Il aborda l’étude de l’Oxfordien à sa troisième leçon et y consacra deux séances et demie ; il en fit de même pour le « Corallien » (l’équivalent de notre Oxfordien supérieur) puis traita des « Kimmeridgien et Portlandien réunis », de manière à terminer le 16 avril la description des terrains jurassiques. Ainsi aborda-t-il dans la dixième séance (le 20 avril 1855) l’étage Néocomien, auquel trois séances furent consacrées, alors que l’Aptien n’eut droit qu’à une seule séance (le 30 avril 1855) et que l’Albien fut à peine mieux traité (une séance et demie) les 4 et 7 mai 1855, alors que le Cénomanien nécessita trois séances et demie du 7 au 18 mai, au cours desquelles furent dispensées des « Généralités sur les Bryozoaires ». Deux séances semblent avoir été nécessaires pour enseigner à partir du 21 mai 1855 des « Généralités sur les Brachiopodes Cirrhidea ». Les 1er et 4 juin 1855, les étudiants entendirent le cours consacré au Turonien, puis trois leçons furent consacrées au Sénonien, du 8 au 15 juin 1855. Le cours sur les terrains crétacés s’acheva le 18 juin 1855, avec la 26e séance, qui fut complétée par des « Généralités sur les Amorphozoaires » (Spongiaires fossiles).
Il restait encore à décrire les terrains tertiaires, auxquels Alcide d’Orbigny consacra le 22 juin 1855 une présentation, au cours de laquelle il critiqua la méthode mise au point par Gérard-Paul Deshayes pour diviser les terrains tertiaires (voir ci-dessous). Il commença ensuite à évoquer le Suessonien, qu’il acheva de décrire à la séance suivante (le 29 juin 1855), au cours de laquelle il commença à parler de l’étage nommé Parisien, dont il termina la description le 2 juillet, tout en commençant à évoquer le Tongrien. Il aborda le Falunien le 6 juillet 1855 (lors de la 31e séance), puis le Subapennin le 13 juillet (33e séance), et mit un point final à son cours lors de la 36e séance, qui eut lieu le 23 juillet (
C’est dans ce qui semble avoir été la première véritable leçon de son cours de première année qu’Alcide d’Orbigny aborda les questions de la « première consolidation de la croûte terrestre » et de l’apparition de la vie sur la Terre. Après avoir évoqué les dislocations du système de la Vendée et du système brésilien, il présentait ainsi sa manière de voir :
« Après ces premières dislocations du Globe, parvenues jusqu’à nous, les mers rentrent dans leurs lits, les continents deviennent stables et la Terre est façonnée de manière à recevoir une nouvelle destination : de stérile qu’elle était, elle s’anime soudain. Une première faune et une première flore peuplent les mers et les continents sur tous les points à la fois. Phénomène immense comme importance, immense comme résultat.
« Une première question se présente tout d’abord. Comment cette création a-t-elle eu lieu ? Comment s’est-elle effectuée ? Nous ne pouvons répondre ! Si l’extinction des êtres peut être expliquée par des causes physiques, que nous pouvons encore toucher du doigt, pour ainsi dire, la Création de cette première animation, et toutes les autres successives, reste un mystère impénétrable que rien ne peut expliquer. C’est un fait, un fait immense, que nous devons nous borner à constater, sans pénétrer dans le mystère surhumain qui l’environne » 〚Fo 1-8/9 : cf.
Après avoir passé en revue l’ensemble des terrains paléozoïques, Alcide d’Orbigny consacra la treizième séance de son cours à présenter les « conclusions réelles tirées des faits » relatives à la « marche de l’animalisation ». Il soulignait, pour commencer, que :
« Les idées les plus diverses ont été émises à cet égard. Les uns croyent que les animaux, au commencement du monde animé, étaient tous d’une organisation des plus simples 〚sic〛, que les organes se sont successivement complétés et que, par suite de ces modifications successives, ces animaux sont devenus de plus en plus parfaits en approchant de notre époque. Ces idées purement hypothétiques, malheureusement trop répandues, sont en désaccord complet avec les faits. Maintenant que des recherches paléontologiques nombreuses ont été faites dans les couches terrestres, où l’on peut suivre sans interruption la succession positive des êtres dans les âges du monde, on arrive à des conclusions tout à fait différentes, comme nous vous l’avons prouvé en étudiant les étages paléozoïques. Les êtres ne se sont pas succédés 〚sic〛 par passages, par modifications d’organes, mais par faunes successives différentes les unes des autres, créées les unes après les autres, dans chacun des étages, et ayant une parfaite indépendance entre elles » 〚13e séance, Fo 6〛.
Alcide d’Orbigny critiquait ensuite « un autre auteur 〚qui〛 a été plus loin dans ses explications » :
« Il fait naître tous les êtres dans les eaux thermales. D’abord à l’état de monades ou autres animaux infusoires informes. Ils ont passé successivement, en changeant de formes, des monades aux Zoophytes, des Zoophytes aux Échinodermes, des Échinodermes aux Mollusques les plus inférieurs et des Bryozoaires aux huîtres. Vous voyez, Messieurs, qu’avant d’aller plus loin nous aurions été à l’état d’huître, ce qui est certainement très honorable pour la race humaine. Cette supposition a fait dire à un mauvais plaisant que l’auteur n’avait pas changé de forme depuis cette époque. Enfin ce système suppose que de Mollusques nous serions devenus Poissons, de Poissons, Reptiles, de Reptiles, Mammifères marsupiaux ou animaux aboutis, qu’après avoir passé par toutes les formes de Mammifères nous serions arrivés à être singes avant d’être hommes.
« Nous ne chercherons pas à discuter toutes les impossibilités organiques qui s’opposent à ces changements d’un embranchement animal à un autre qui n’ont pas le même mode de respiration dans les eaux et dans l’air et qui, dès lors, appartiennent à des milieux d’existence les plus différents, les plus opposés. D’ailleurs, la simple inspection des fossiles d’un étage géologique quelconque, et du premier étage Silurien en particulier, prouve de suite la fausseté du système puisque toutes les classes d’êtres y sont représentées et pas seulement les monades et autres animaux infusoires » 〚13e séance, Fo 7〛.
Alcide d’Orbigny évoquait alors un débat qui venait d’agiter la communauté scientifique concernant l’antériorité, ou non, de l’œuf par rapport à l’animal :
« On a cru, dans ces dernières années, simplifier beaucoup la question en supposant que les êtres avaient changé de formes à l’état d’œuf. Pour nous la question reste la même, malgré toutes les recherches d’embryogénie. Il est aussi difficile de faire passer une forme spécifique à une autre par l’œuf, que par l’animal entier. Est-on arrivé par les croisements d’espèces différentes à former des êtres qui constituent une race, une espèce nouvelle constante se reproduisant perpétuellement ? Nous dirons que non, toutes les recherches faites à cet égard, tous les efforts tentés pour forcer la nature des choses, n’ont abouti qu’à former des métis qui ne peuvent plus se reproduire. On voit que, par les œufs, pas plus qu’autrement, l’on ne peut prouver le passage d’un être à un autre, dans la nature actuelle. Comme dans la nature passée aucun être à moitié formé ne se rencontre, 〚que〛 tous sont parfaitement tranchés, comme genre ou comme espèce, il faut certainement renoncer à des passages par l’œuf, comme aux passages par les animaux parfaits. Une des questions les plus importantes de la Zoologie fossile ou de la Paléontologie se rattache à ce fait. Qui a pu naître en premier, sur la Terre, de l’œuf ou de l’animal ? Les savants qui s’occupent d’embryogénie croyent que c’est l’œuf. Nous paléontologistes, nous croyons que c’est l’animal. Cette question est agitée depuis longtems par les savans et les philosophes » 〚13e séance, Fo 8〛.
Il en arrivait enfin aux arguments paléontologiques :
« L’étude de la répartition des êtres fossiles dans les couches terrestres prouve que non seulement il y a eu une première création au commencement des terrains paléozoïques mais qu’il 〚y〛 a encore eu une nouvelle création au commencement de chacun des étages postérieurs ou autant de créations successives que d’âges différents. Ce sont les faits. On a trouvé difficile d’expliquer ces créations successives d’êtres entiers par une formation de toute pièce. On a préféré faire naître ces êtres à l’état d’œufs ou de corps moins complexes que l’être parfait. Pour nous la difficulté reste toujours la même. On ne pourrait pas plus expliquer la création de l’œuf que celle de l’animal entier. C’est et ce sera donc toujours un problème inexplicable. C’est un fait devant lequel nous devons nous incliner puisque toute la science humaine ne peut réussir à rien créer dans la nature actuelle. C’est le fait le plus extraordinaire de tous les âges géologiques.
« Nous avons dit que nous croyons que l’animal, l’être entier, a dû être créé avant l’œuf. Voici sur quoi nous nous fondons. Une espèce créée, si elle réunit les deux sexes, peut se reproduire à l’infini et couvrir tout le globe comme certaines espèces éteintes si répandues. Un œuf créé, que deviendra-t-il ? On pourrait encore croire qu’un œuf des animaux inférieurs tels que ceux des animaux rayonnés puisse se développer s’il est dans des milieux d’existence convenables. Mais, par exemple, que deviendraient les œufs isolés de Poissons Placoïdes, qui sont vivipares, et dont les œufs éclosent dans le sein de la mère ? Il est évident qu’ils se seraient trouvés isolés en dehors de leur état normal d’existence et qu’ils avaient besoin de la mère pour venir à bien. Celle-ci devait donc naître la première. Parmi les Oiseaux que deviendrait l’œuf sans l’incubation de la mère, et les soins donnés aux jeunes par cette mère ? Parmi les Mammifères surtout, que deviendrait l’œuf isolé dans la nature ? Figurez-vous donc un œuf d’éléphant laissé sur le sol. On sait, pour qu’il produise un être parfait, qu’il faut qu’il séjourne une année dans le sein de la mère, qu’il soit allaité, ensuite pendant un laps de temps aussi long, qu’il soit entouré des soins de la mère pour être préservé de tout accident et de chance de mortalité. Ces faits, sans réplique possible, nous prouvent que les animaux entiers, parfaits, ont été créés les premiers sur la Terre, et que les œufs n’ont été que les produits de ceux-ci. Vous voyez qu’il est impossible de résoudre la question autrement et que tout prouve que les animaux ont été créés avant les œufs » 〚13e séance, Fo 9/10〛.
La stratigraphie étant avant tout une science du discontinu, dont l’objectif est de définir des coupures au cours de l’histoire terrestre, Alcide d’Orbigny, lorsqu’il eut terminé la description de l’étage Silurien (qui était pour lui le premier de tous, bien que le Cambrien ait été défini par Adam Sedgwick dès 1835), eut à traiter, dans sa cinquième leçon (
« La Terre pour arriver de son premier état, incandescent, ou pâteux, à la consolidation que nous lui connaissons aujourd’hui, a subi l’effet du rayonnement vers l’espace céleste. Elle s’est refroidie extérieurement, comme la balle de plomb. Mais ici, vu la différence de volume et la concentration du foyer de chaleur dans l’intérieur de la Terre, la comparaison avec la balle de plomb ne montre plus de résultats identiques. Le vide, au lieu d’être au centre, reste entre la partie extérieure, consolidée, inflexible, et la masse intérieure, incandescente et toujours à l’état pâteux » 〚ibid. ; cf.
Alcide d’Orbigny abordait ensuite ce qu’il appelait les « effets généraux des perturbations géologiques » en soulignant que :
« Si la Terre n’avait à sa surface extérieure ni atmosphère ni eau, les dislocations dont nous venons de parler n’auraient eu qu’une conséquence purement locale en changeant seulement la forme du sol, sur le lieu même des dislocations, en lui faisant prendre successivement des formes diverses. Mais, comme elle est au contraire recouverte d’une masse considérable d’eau, les effets des dislocations ont été généraux et ont, à chaque époque, causé des perturbations extérieures sur tous les points du globe à la fois, lors même que le globe subissait seulement des dislocations partielles même très restreintes » 〚5e leçon, Fo 3 ; cf.
Et d’ajouter : « Nous insistons sur ce fait d’une immense importance » 〚ibid.〛.
Pour mieux convaincre son auditoire, Alcide d’Orbigny rappelait alors les effets dévastateurs de quelques séismes majeurs. Ainsi, à Lisbonne, en 1755 : « La mer se retira d’abord. Elle revint ensuite plus haute de 13 mètres que d’ordinaire, forma de fortes lames de projection qui envahirent toute la côte à plusieurs reprises ». 〚5e leçon, Fo 9〛. Il décrivait ensuite les effets lointains : « À Cadix une lame de 20 m de haut balaya la côte d’Espagne et ravagea tout sur son passage » 〚ibid. ; cf.
Le professeur faisait ensuite remarquer : « Quand on voit de semblables mouvements se produire dans les eaux, sans que le sol ait subi de changement appréciable autre que quelques exhaussemens, que quelques affaissemens insignifiants 〚...〛, on peut se demander ce qui arrive quand les 8000 mètres d’épaisseur de roches à la fin de l’étage Silurien se sont disloqués ou affaissés dans les eaux, ou bien quand la chaîne des Andes qui, dans son système chilien offre 50° ou 5000 kilomètres de longueur pour la partie qui nous est connue 〚...〛, a surgi » 〚5e leçon, Fo 10 ; cf.
Alcide d’Orbigny examinait alors les effets de ces perturbations sur les « êtres marins », en commençant par décrire leur répartition dans la nature actuelle qui le conduisait à faire état d’une double zonation. Il précisait en effet « qu’ils ont tous des zones d’habitation spéciales qu’ils ne peuvent franchir, soit au niveau supérieur des marées, soit au niveau inférieur des marées, soit au-dessous des marées, ou dans les grandes profondeurs des mers, et que lorsqu’ils en sortent par des causes fortuites ils meurent » 〚5e leçon, Fo 19 ; cf.
Il imaginait ensuite les effets d’une « perturbation géologique » sur les animaux marins, en commençant par les animaux fixés tels que « certaines huîtres, des serpules, etc., etc. » : « On conçoit que tous les niveaux étant changés, l’animal fixé se trouvera, par suite des dislocations, placé au sommet d’une montagne, dans les vallées de celles-ci, ou au fond des nouveaux océans. Enfin, sur un point de dislocation, les animaux fixés seront placés à tous les niveaux, mais très rarement dans la zone propre à leur existence. Ils seront donc presque toujours anéantis » 〚ibid.〛. Alcide d’Orbigny rappelait en outre « qu’il suffit, dans les causes actuelles, pour anéantir les animaux fixés, qu’ils soient recouverts d’une légère couche de sédimens » 〚ibid. ; cf.
Alcide d’Orbigny envisageait ensuite le cas des « animaux des grandes profondeurs des mers actuelles comme des anciennes mers géologiques » 〚5e leçon, Fo 22〛, tels que les Brachiopodes, les Bryozoaires et les Crinoïdes, qui « sont spéciaux aux parties des mers les plus tranquilles, où les eaux sont les plus pures. On conçoit dès lors que le moindre mouvement, la moindre agitation dans les eaux suffit pour les empêcher de vivre, pour les tuer » 〚ibid.〛. En effet, étant donné « que les sédimens terrestres et marins sont répandus partout dans les eaux, par suite du mouvement, nous ne pouvons pas douter que les mers ne soient souillées dans toutes leurs parties par une somme considérable de sédiments fins » 〚5e leçon, Fo 23 ; cf.
Alcide d’Orbigny se préoccupait alors du sort des « animaux côtiers libres », en distinguant successivement deux cas :
« Lorsqu’ils seront sur le lieu même d’une dislocation, ils seront immédiatement enlevés par le mouvement des eaux sur tous les points, soit des rochers sur lesquels ils vivaient, soit des sables où ils seront enfoncés. Mis en mouvement avec tous les sédimens, enlevés de tous les points terrestres et marins ils seront longtemps ballottés par les eaux. Lorsque enfin l’agitation diminuera et lorsqu’ils s’arrêteront, ils iront niveler les nouvelles cavités formées par la dislocation. Si alors ils ne sont pas brisés ou usés par suite du mouvement prolongé, dussent-ils résister au mouvement des eaux, ce qui n’est pas probable, ils seront rarement dans des conditions de vitalité favorables. Nous croyons au contraire qu’ils seront infailliblement anéantis 〚...〛.
« Lorsque les animaux côtiers libres ne seront pas sur le lieu même d’une dislocation, subissant l’effet du mouvement des eaux, ils seront d’abord enlevés de leur lieu d’habitation ordinaire et placés dans des circonstances de non-vitalité, les animaux des rochers sur des sables, ceux des sables sur des rochers &c. D’un autre côté ils seront, par suite des changemens de niveau dans les eaux, placés à des niveaux différens de leur niveau habituel, émergés d’un côté et placés sur les continents, ou engloutis, de l’autre, dans les grandes profondeurs, et bien rarement, dans la zone de profondeur qui leur convient. On doit croire que le seul changement de niveau et de nature de sédiment suffit pour les anéantir » 〚5e leçon, Fo 25/26〛.
Alcide d’Orbigny faisait alors appel aux observations qu’il lui avait été donné de faire personnellement :
« Nous avons vu qu’une simple tempête suffit pour enlever les animaux marins des côtes, pour en détruire le plus grand nombre en remplissant leurs branchies de sédimens, en les blessant, en les enlevant de leur zone, de leur élément vital, surtout en les couvrant de sédiments. Nous avons vu sur la côte de La Rochelle, sur la côte de Noirmoutier, les causes naturelles suffire pour couvrir une faune côtière de sédimens et l’anéantir. À plus forte raison, une commotion géologique de cette nature. Nous croyons donc qu’après un mouvement semblable, les animaux côtiers, comme les animaux terrestres et fluviatiles, ont dû être anéantis et cela sans sortir des causes actuelles, sans même avoir besoin de recourir à l’aide des gaz acides ou sulfureux qui, certainement, ont dû sortir de la terre par suite des dislocations » 〚5e leçon, Fo 26/27 ; cf.
Pour mieux faire admettre l’idée que les animaux marins côtiers ont bien été anéantis par les effets de la «
« Lorsque nous scrutons l’ensemble des faits géologiques, que trouvons-nous ? Nous trouvons toutes les faunes des terrains, des étages, circonscrites dans ces terrains, dans ces étages, comme la théorie nous l’indique. Ce n’est plus une théorie, mais un fait général, un fait matériel. C’est en effet le résultat que nous donne, sur tous les points du globe, l’étude comparative des étages géologiques, et des faunes qu’ils renferment » 〚5e leçon, Fo 27 ; cf.
Alcide d’Orbigny examinait ensuite le cas des « animaux pélagiens libres » en utilisant le même raisonnement :
« Voyons s’ils ont plus de chances d’existence que les animaux côtiers. Les Céphalopodes, les Poissons, par exemple. Nous croyons encore que non. Voici sur quoi nous nous fondons. Plus sensibles que les animaux côtiers au mélange des eaux, il suffit pour les étouffer 〚qu〛’une quantité très minime de sédimens terreux y soit répandue. Nous avons fait souvent des expériences de cette nature sur des seiches, des calmars, sur des poissons pélagiens, nous avons toujours vu ces animaux périr après quelques instans, lorsqu’ils sont dans l’eau mélangée de sédimens. Les Céphalopodes, laissés dans l’eau contenant la teinture noire qu’ils jettent ordinairement en s’enfuyant, meurent asphyxiés. Nous croyons donc que le mélange de sédiments dans les eaux en mouvement, à chaque perturbation géologique, 〚a〛 certainement anéanti tous les animaux pélagiens. C’est en effet ce qu’on trouve dans tous les étages géologiques qui se sont succédés 〚sic〛 depuis le commencement du monde animé jusqu’à présent. Ce sont certainement les coquilles de Céphalopodes, animaux essentiellement pélagiens, qui nous offrent les meilleurs horizons géologiques, quand nous voyons que tous les Céphalopodes sont spéciaux dans leurs étages qu’ils caractérisent partout de la manière la plus constante » 〚5e leçon, Fo 28 ; cf.
Après avoir conclu que : « Nous devons croire, de toutes les manières, que les animaux pélagiens des étages géologiques ont été anéantis certainement à chaque grande dislocation du globe » 〚5e leçon, Fo 29 ; cf.
« Il s’agit de savoir si ces mouvemens des eaux ont été instantanés ou s’ils ont été prolongés, si enfin, entre l’époque d’une dislocation où tous les êtres ont été anéantis et l’instant ou de nouveaux êtres ont été créés, il s’est écoulé un laps de tems considérable ».
« Nous croyons pouvoir affirmer, par tous les faits géologiques, qu’un laps de tems considérable a dû s’écouler entre la fin de chaque commotion géologique et le commencement d’une nouvelle époque d’animalisation. Voici sur quoi nous nous fondons pour le croire. Les profondes dénudations exercées par les eaux que nous vous avons citées dans le bassin de Paris, entre Montmartre, Montmorency, le Mont Valérien et Clamart que nous trouvons partout, prouvent que le mouvement des eaux a été très prolongé, car un mouvement instantané ne pourrait produire d’aussi vastes transports de sédimens en partie consolidés et il a donc fallu un laps de temps considérable du mouvement des eaux pour produire un tel transport, une telle dénudation » 〚5e leçon, Fo 30 ; cf.
Un peu plus loin, il ajoutait un second argument, cette fois de nature paléontologique, « pour prouver qu’un laps de temps considérable s’est écoulé entre la fin d’un étage et la nouvelle animalisation de l’étage qui lui succède régulièrement » 〚5e leçon, Fo 33 ; cf.
« Si le mouvement avait été instantané, si une nouvelle faune était venue immédiatement remplacer l’ancienne, un grand nombre de restes de cette ancienne faune pourraient se trouver mélangés aux êtres de la nouvelle. Mais l’observation directe prouvant le contraire partout, puisque les mélanges encore de quelques espèces isolées sont des exceptions très rares, tandis que les faunes distinctes partout, suivant les terrains, suivant les étages, sont au contraire l’état général, l’état positif, on doit en conclure que le mouvement a été assez prolongé, que l’espace de tems a été assez long pour produire, par l’usure ou autrement, la destruction des restes organisés qui après une commotion géologique se trouvaient à la surface de la terre et dans les mers, et séparer entièrement les faunes successives » 〚5e leçon, Fo 34 ; cf.
Et d’ajouter un peu plus loin : « C’est du reste l’analyse des faits qui nous a amenés à ces conclusions et non la théorie. C’est le résultat de 30 années de recherches, faites avec un soin tout particulier » 〚ibid.〛.
C’est dans la troisième séance de son cours, consacrée au Silurien, qu’Alcide d’Orbigny faisait appel aux « causes actuelles » pour interpréter les faits observables dans les sédiments de cette période. Il y proclamait en effet que « malgré ce laps immense de tems écoulé jusqu’à nous, il nous est encore permis de nous transporter pour ainsi dire au fond de la mer de cette époque reculée, d’y prendre la nature sur le fait, les êtres dans leur existence, dans leurs mœurs, et les retrouver encore réunis en famille comme ils vivaient, au premier âge du monde » 〚Fo. 1-16〛. Il envisagea la question de l’origine des « lits si multipliés des ardoises d’Angers » en s’interrogeant : « Pourquoi sont-ils divisés par lits ? est la première question qui se présente. Rien n’est fait au hasard dans la Nature. Tout peut être expliqué quand on remonte à la source des choses. Pour nous les causes actuelles offrent un vaste champ à l’observation, et sont destinées à tout nous expliquer. Trente années d’études spéciales faites par toutes les latitudes nous permettent de résoudre beaucoup de ces questions. Nous croyons pour les lits d’ardoise qu’ils ont été formés sous une influence constante mais alternative, souvent répétée, que ces dépôts sont sous-marins et voisins des côtes, qu’ils ont été formés sous l’action combinée de courans alternatifs, dépendant des marées » 〚Fo 1-17/18〛. En conséquence, concluait-il :
« Les courants changeant de direction avec les marées sont pour nous la cause des dépôts feuilletés » 〚Fo 1-18〛, avant d’étayer son opinion à l’aide d’observations faites « entre l’île d’Oléron et la terre » où il ne se « dépose que des sédimens fins, comme ceux qui ont formé les ardoises d’Angers. Le flux porte les courans au sud, le reflux les porte au nord. Il y a une action périodique, en sens contraire, qui tend à diviser les sédimens par lits très multipliés » 〚ibid.〛.
Dans son cours sur l’étage Conchylien (qui regroupait notre Buntsandstein et notre Muschelkalk), Alcide d’Orbigny en venait à expliquer successivement l’origine de ce qu’il interprétait comme des « empreintes physiques d’ondulations laissées par la mer lorsqu’elles se retire » – que nous appelons aujourd’hui
« Dans le golfe de l’Aiguillon (Vendée et Charente inférieure) le rivage est en pente peu sensible, et la mer découvre des surfaces immenses de dépôts vaseux entre les marées. Après les grandes marées de sigizies, des plages vaseuses ramollies par les eaux restent à découvert à basse mer et souvent pendant 10 jours et plus entre chaque grande marée, souvent un mois. Les animaux qui y marchent y enfoncent plus ou moins et laissent l’empreinte de leurs pas : Mammifères, Oiseaux, Crustacés, etc., les gouttes de pluie, etc. La vase exposée à l’air se dessèche au soleil en conservant toutes les empreintes à sa surface. Quand la marée revient enfin sur ces vases durcies, elle passe dessus sans détruire les empreintes devenues solides et revêt au contraire le tout d’une nouvelle couche ; les parties en creux reçoivent les dépôts les plus denses, sablonneux et la couche en dessus est au contraire formée des plus légers sédiments vaseux, ce qui forme des plaquettes superposées où certainement les empreintes se conserveraient si ces vases se durcissaient et devenaient pierreuses, comme celles du Connecticut. Nous avons souvent observé ces empreintes sèches de pas d’Oiseaux et de 〚gouttes de〛 pluie » 〚5e leçon, Fo〛.
Par ailleurs, dans sa description de l’étage Corallien (l’équivalent de notre Oxfordien supérieur), Alcide d’Orbigny interprétait comme suit deux affleurements situés, l’un « près de La Rochelle », et l’autre « au ravin de la Tournelle, près de Saulce au bois (Ardennes) » – aujourd’hui Saulces-aux-Tournelles sur la commune de Saulces, près de Rethel –, dans lesquels s’observe une alternance de couches azoïques avec d’autres renfermant des coquilles :
« Rien n’est dû au hazard dans la nature ancienne, et 〚tout〛 peut être expliqué par les faits actuels. Or qui a pu produire cette alternance répétée souvent un grand nombre de fois, de couches calcaires sans fossiles, et de couches spéciales avec un nombre considérable de fossiles ? C’est pour nous le fait des perturbations naturelles actuelles et provient d’alternances de repos et d’agitation. Le repos amène dans les mers le dépôt des couches sédimentaires fines avec des coquilles épars〚es〛 à la surface. Ces dépôts durent plus ou moins en s’accumulant ; si le calme continuait toujours il y aurait continuation de dépôts semblables et aucunes couches distinctes 〚sic〛. Mais arrive-t-il un raz de marée, une tempête, tout change d’aspect » 〚Fo 14-8〛.
En effet, Alcide d’Orbigny avait observé dans le port de Valparaiso, au Chili, l’existence de perturbations annuelles qui agitent les flots, au point que :
« Le mouvement des eaux descend bien plus bas. Tout est remué et le résultat est le tassement, sous les eaux, de toutes les coquilles séparées des sédimens. Les coups de vent annuels périodiques amènent 〚les〛 alternances si régulières, si remarquables, qu’on remarque dans les couches. On peut aller même jusqu’à savoir quelle était la direction du vent et des courans momentanés » 〚Fo 14-9〛. »
Dans deux cas, cependant, Alcide d’Orbigny avait perçu les limites de la méthode actualiste. À cette époque, deux types d’explications étaient avancées pour expliquer la formation de la houille : l’accumulation d’arbres dans les estuaires et ce qu’on appelait les « radeaux flottans ».
Après avoir fait référence aux travaux d’Adolphe Brongniart et fait état des rapports d’abondance relative entre fougères et phanérogames dans les dépôts houillers, il affirmait : « Il est donc certain que cette flore ancienne de l’étage Carboniférien était partout formée d’un ensemble de plantes qui n’existent aujourd’hui que sous la zone torride » 〚Fo 3-12〛. S’appuyant sur les observations qu’il avait faites personnellement dans les régions tropicales de l’Amérique méridionale, il était contraint de reconnaître que :
« Nous ne trouvons, même en scrutant les causes actuelles, rien qui puisse expliquer la formation de la houille et nous sommes forcé de recourir à des causes plus puissantes. Quelle force en effet pourrait aujourd’hui enlever ces grandes fougères et toute la végétation exceptionnelle que nous indiquons ? Ce ne sont pas les pluies torrentielles des régions tropicales » 〚Fo 3-13〛.
En effet :
« Sur les pentes les plus abruptes des Andes, où tout est couvert de la végétation la plus belle, la plus luxueuse 〚sic〛, on voit un réseau, à plusieurs étages, de branches entrelacées et de feuillages épais, d’abord formé des grands végétaux ligneux dont les sommités s’élèvent vers le ciel à près de 100 mètres. Dessous, d’autres espèces, des Palmiers, y croissent en paix, garantis par les premiers. Enfin, le sol est tapissé d’un tissu de Fougères et de Lycopodes les plus variés. Une pluie torrentielle, comme celles connues seulement dans les régions tropicales, et dont nous n’avons pas d’exemple en Europe, n’arrive à terre qu’après avoir traversé ces plantes entrelacées. Aussi n’entraîne-t-elle presque rien, et souille-t-elle à peine l’eau limpide des torrents » 〚Fo 3-13/14〛.
Il concluait alors qu’« il faut donc renoncer à recourir aux bois amoncelés dans les estuaires pour expliquer la formation de la houille à l’époque Carboniférienne » 〚Fo 3-14〛.
Alcide d’Orbigny s’en prenait ensuite à l’hypothèse des « radeaux flottans » :
« Les fleuves transportent-ils des radeaux flottants comme ceux qu’on suppose susceptibles de former la houille ? Nous répondrons encore négativement. Le point de départ de cette hypothèse et 〚celui〛 de celle des estuaires sont encore fautifs. On l’a pris à l’embouchure du Mississipi ou quelques arbres arrivent, il est vrai, jusqu’à l’estuaire. Mais le Mississipi actuel est-il comparable au temps passé ? Nous dirons encore non » 〚Fo 3-15〛.
Après avoir expliqué ce phénomène par l’action de défrichage exercée par l’homme, Alcide d’Orbigny mettait en avant un autre argument, que l’on peut qualifier d’irrésistible :
« Les radeaux flottans, que nous ne comprenons pas comme explication de la formation de la houille, s’ils avaient existé dans les temps passés, auraient donné, par la pression et l’altération, tout au plus un dizième 〚sic〛 de leur épaisseur de houille, ce qui donnerait pour les dépôts de St Aubin de 13 m d’épaisseur, 130 m de hauteur, pour ceux de l’Aveyron et de Commentry, épais de 100 mètres de houille, 1000 m d’épaisseur au radeau. On juge de l’impossibilité complette d’une telle épaisseur » 〚ibid.〛.
Toutefois, un argument de nature géologique lui permit de sortir de cette impasse :
« En résumé, une pluie torrentielle, le transport des végétaux par les rivières, pas plus que les tourbières des régions tropicales ne peuvent expliquer la formation de la houille. Ils ne peuvent expliquer l’alternance en couches horizontales des grès houillers, des schistes et de la houille 〚...〛. Ils peuvent encore moins expliquer les dépôts terrestres houillers avec arbres debout, implantés avec leurs racines dans la houille, alternant un grand nombre de fois avec des dépôts marins d’une grande puissance. Ces derniers faits ne peuvent être expliqués que par des oscillations du sol, pendant la durée de l’étage Carboniférien » 〚Fo 3-16〛.
Plus loin, Alcide d’Orbigny précisa sa pensée quant à l’existence de ces oscillations du sol, dont il présenta ce qu’il appelait des « preuves certaines », relatives, notamment à l’existence de troncs fossilisés en position de vie :
« Si ces troncs d’arbres verticaux que nous avons cités sont des points terrestres, ce dont on ne peut douter, comment expliquera-t-on leur présence, plusieurs fois répétée au milieu de couches marines de centaines de mètres de puissance ? Pour qu’un point continental devienne sous-marin avec ses arbres encore verticaux, il faut d’abord qu’il s’affaisse brusquement dans la mer avec toutes les parties consolidées qui le supportent. Les sédiments marins, par l’effet constant du nivellement, le recouvrent sans altérer la position des arbres, surtout si ce lambeau se trouve dans une profondeur assez grande pour neutraliser l’effet des marées et des courants. C’est ainsi que nous pouvons expliquer la conservation des grands végétaux avec leurs racines, dans le terreau même dans lequel ils vivaient. Pour qu’on trouve, comme à la Nouvelle-Écosse, ces couches terrestres plusieurs fois répétées à quelques centaines de mètres de distance verticale, au milieu des dépôts marins, il faut des affaissements brusques à chaque fois, ce qui constitue des oscillations semblables à ce que nous avons reconnu dans les causes actuelles. S’il a fallu un affaissement brusque pour mettre des parties terrestres sous la mer, des exhaussemens sont indispensables pour ramener ces parties devenues marines à la surface du sol et en faire de nouveau des parties continentales. La durée entre chacunes 〚sic〛 de ces oscillations a dû être immense pour que la végétation terrestre couvre de nouveau des parties marines » 〚Fo 3-28〛.
Il ne lui restait plus qu’à expliquer l’origine de ces oscillations du sol :
« En dernière analyse, nous croyons qu’on ne peut expliquer cette succession alternative des points continentaux, devenus sous-marins, et des points sous-marins devenus continentaux que par autant d’oscillations successives du sol, que par autant de mouvemens d’affaissement et de surélévation de ce sol pendant la durée de l’époque carboniférienne. Nous avons dit que nous croyons pouvoir expliquer cette alternance de houille et de dépôts sédimentaires par les oscillations, résultats des tremblemens de terre » 〚Fo 3-29〛.
Résumant sa pensée, Alcide d’Orbigny pouvait alors affirmer que :
« D’un côté, tous les faits observés sont contraires à l’hypothèse de la formation de la houille par des tourbières, qui n’existent pas sous la zone torride, par l’amoncellement des arbres flottés déposés dans les estuaires, ce qui manque dans un pays vierge, par des radeaux de végétaux flottans, qui sont impossibles et par des arbres conifères, regardés comme douteux dans l’étage carbonifère ».
« De l’autre, tout tend à prouver que la houille a été formée par les détritus de plantes, analogue à celui 〚sic〛 de la terre de bruyère, par suite d’un lavage superficiel des continents, lors des tremblemens de terre et leur dépôt dans les dépressions préexistantes du sol terrestre » 〚Fo 3-31 bis〛.
Il existe un second exemple pour lequel Alcide d’Orbigny dut reconnaître que le recours aux causes actuelles ne permettait pas de donner des faits constatés une explication crédible. Il avait en effet été frappé, au cours de son voyage en Amérique méridionale, par le grand développement de ce qu’il appelait les « dépôts limoneux à ossemens », qu’il attribuait à son étage subapennin (on sait aujourd’hui que leur âge est pléistocène) :
« Le dépôt à ossemens des Pampas de Buenos-Aires dont la surface égale les 3 cinquièmes de la superficie de la France ou 95 mille kilomètres carrés 〚!〛 est composé partout de limons jaunes ou rougeâtres, fortement salés, presque sans stratification apparente, sans coquilles terrestres ni fluviatiles enveloppant des squelettes entiers au pourtour, des os séparés partout. Les proportions gigantesques de ce dépôt, qui ne sont comparables qu’aux majestueuses chaînes des Andes, longues de 50° ou ayant le 7e de la circonférence de la Terre, peuvent-ils 〚sic〛 être, comme l’ont pensé quelques auteurs, expliquées par les causes actuelles ? Nous ne le croyons pas, car il n’est ni un dépôt lacustre, ni un dépôt riverain, puisqu’il ne contient aucune coquille terrestre ou fluviatile » 〚Fo 27-7 ; cf.
Alcide d’Orbigny précisait ensuite que :
« Nous avons déjà dit, pour répondre aux assertions de quelques géologues, que les mammifères, dans l’état vierge de la nature, n’étaient jamais surpris par les inondations, que, par conséquent, ils ne pourraient être transportés par les eaux, ni déposés dans les estuaires des fleuves » 〚Fo 27-8〛.
Il en déduisait que :
« Il faut donc renoncer en géologue aux animaux transportés par les fleuves. D’autres faits viennent du reste, sur le même continent, prouver que des dépôts limoneux, identiques à ceux des Pampas, et avec les mêmes animaux terrestres, se trouvent ailleurs que dans les vallées. Nous les avons trouvés dans les immenses plaines des provinces de Chiquitos et de Mojos, en Bolivia, et sur des centaines de lieues carrées de superficie. Nous les avons encore reconnus sur les dépressions des régions montagneuses à Cochabamba, à la hauteur de 2575 m au-dessus de la mer et enfin sur les plateaux des Andes, à la hauteur absolue de 4000 m. Malgré ces différences considérables de niveau, tous ces dépôts à ossemens sont composés de limons jaunes ou rougeâtres identiques, et contiennent des Mammifères fossiles. Nous croyons donc qu’ils ont été produits partout par une même cause et qu’ils sont le résultat d’un lavage superficiel du continent par les eaux de la mer mises en mouvement à l’instant de la perturbation finale de l’étage subapennin » 〚Fo 27-8/9〛.
Alcide d’Orbigny, partisan de la fixité des espèces, était convaincu, comme on l’a vu précédemment, que la Terre avait été frappée au cours de son histoire par une série de catastrophes qui avaient anéanti toute vie à sa surface, jusqu’à ce qu’intervînt une nouvelle création susceptible de la repeupler. Il ne pouvait donc accepter sans réagir la tentative de Gérard-Paul Deshayes – qu’il ne nomme pas ! – d’établir une stratigraphie évolutionniste du Tertiaire qui, de surcroît, ne tenait aucun compte des catastrophes qui, selon lui, marquaient le terme de chaque étage. C’est pourquoi, dans le cours qu’il consacra le 22 juin 1855 (27e séance du cours de 2e année) à des
« Un conchyliologiste, après avoir comparé les espèces des terrains tertiaires aux espèces vivantes, a dit qu’il avait trouvé les premières espèces fossiles identiques aux espèces vivantes dans les terrains tertiaires inférieurs. Il les évaluait à 5 pour cent de leur nombre pour le Tertiaire inférieur, à 19 pour cent dans le Tertiaire moyen, et à 52 pour cent dans le Tertiaire supérieur. Se basant sur ces chiffres, M. Lyell a divisé les terrains tertiaires en trois, son Éocène, son Myocène 〚sic〛 et son Pliocène, en partant du principe des espèces fossiles identiques aux espèces vivantes.
« L’Éocène, correspondant au Tertiaire inférieur, et aux Étages 24, 25 ».
« Le Miocène, correspondant au Tertiaire moyen et aux étages 26a et 26b » 〚il s’agit du Falunien, dont la base constitue le Tongrien〛 « et contenant à ce qu’on croyait plus d’espèces encore vivantes actuellement ».
« Le Pliocène, correspondant au Tertiaire supérieur et à notre Étage subapennin et contenant beaucoup d’espèces vivantes actuellement ».
« Plusieurs auteurs se sont occupés de cette question des espèces fossiles identiques aux espèces vivantes actuellement, M. Becq de Copenhague, M. Agassiz. Nous l’avons fait aussi avec une scrupuleuse attention. MM. Becq, Agassiz et nous sommes arrivés au même résultat, c’est que toutes les espèces qu’on avait trouvé être identiques entre les espèces éocènes, 5 pour cent, et myocènes, 19 pour cent, étaient le résultat de fausses déterminations. En effet, à l’exception du dernier étage qui nous a précédés sur la Terre, de l’étage subapennin, aucune ne s’est trouvée réellement identique. En ne trouvant dans l’Éocène et dans le Miocène aucune espèce identique, la dénomination tombe d’elle-même car elle est en opposition avec les faits » 〚2e année, 27e séance, Fo 4/5 ; cf.
Alcide d’Orbigny utilisa un second argument, d’ordre tectonique, pour critiquer la validité de l’Éocène de Lyell. Étant donné que, pour lui, chaque étage est délimité par une phase de perturbations géologiques, qui aurait pour effet de détruire la faune et la flore existantes, après avoir fait remarquer que « les dernières couches disloquées dans la chaîne des Pyrénées d’un bout à l’autre, c’est l’étage Suessonien ou Nummulitique 〚...〛, il en résulte que la chaîne des Pyrénées a pris certainement son relief actuel entre la fin de l’étage Suessonien et le commencement de l’étage Parisien » 〚Fo 24-15〛, il conclut :
« Non seulement nous avons des discordances entre les étages Suessonien et Parisien, mais encore, pour moteur de ces discordances, la saillie remarquable du Système pyrénéen de M. Élie de Beaumont qui se retrouve encore avec moins de relief, par les dislocations du Pays de Bray et de l’Angleterre dirigées comme les Pyrénées de l’O18°N, à l’E18°S. En réunissant dans l’Éocène de M. Lyell le Suessonien au Parisien on ne pourrait expliquer ni les discordances, ni le relief des Pyrénées, et l’on mettrait, comme l’a dit M. Élie de Beaumont, l’étage Éocène à cheval sur la chaîne des Pyrénées, ce qui est impossible en géologie. En séparant les deux étages comme nous le faisons depuis 1843, on a au contraire l’explication logique de tous les faits de dislocation, et de limites respectives des faunes, et tout sera d’accord, la Paléontologie et la Géologie, dans leurs rapports les plus rigoureux » 〚ibid. ; cf.
Alcide d’Orbigny répond ensuite aux critiques qui ont été formulées contre la séparation du Suessonien et du Parisien :
« On a argué du mélange accidentel de quelques espèces suessoniennes aux parties les plus supérieures de l’étage à Cuise Lamotte pour réunir les étages Suessonien et Parisien dans l’Éocène. Si ce mélange se trouvait partout, il aurait quelque valeur mais il se trouve sur un point seulement, quand partout ailleurs les limites sont parfaitement tranchées. En effet, à Bracheux (Oise), à Châlon sur Vesle (Aisne) et partout ailleurs dans le bassin anglo-parisien et sur tous les autres points du monde, la faune suessonienne se montre sans aucun mélange. Cuise Lamotte est donc une anomalie, et non un fait général. Voici comment du reste nous pouvons l’expliquer. Le plus souvent, des couches intermédiaires de nivellement, et sans fossiles séparent deux étages superposés. Alors, il n’y a jamais de mélanges. Mais lorsque deux étages se sont succédés 〚sic〛 dans un bassin marin, sans discordance locale, et sans dépôt intermédiaire, on concevra facilement que des dépouilles mortes de coquilles d’un étage antérieur pourront se trouver dans les sédimens sur des points où vivent ensuite les espèces de l’étage suivant. Il y aura sur ces points mélanges des deux faunes, sans que pour cela elles ayent 〚sic〛 vécu en même temps. C’est le fait de Cuise Lamotte, fait très rare dans les étages et qui devrait être plus fréquent, s’il n’y avait pas toujours eu un mouvement considérable des eaux et un long intervalle entre la fin d’un étage et l’apparition de la nouvelle faune de l’étage suivant » 〚Fo 24-19/20〛.
Alcide d’Orbigny mit à profit l’enseignement qu’il donna en 1855 au Muséum national d’histoire naturelle pour exposer ses nouvelles conceptions relatives à deux des étages qu’il avait décrits quelques années auparavant dans son
Le 27 avril 1855, dans la 12e séance de son cours de 2e année, Alcide d’Orbigny fit part des raisons qui le conduisaient à considérer l’Urgonien comme étage à part entière. Il le fit dans ces termes : « depuis 1852 nous avons fait de nouveaux voyages, les géologues de province ont aussi beaucoup étudié cette question. Leurs résultats et les nôtres ont été conformes pour reconnaître l’importance de cette séparation qui forme de la partie supérieure Urgonienne un étage de même valeur que l’étage Néocomien qui lui est inférieur » 〚Fo 17-26〛.
Depuis la publication en 1849 du premier volume de son
L’étude du manuscrit du cours de paléontologie professé par Alcide d’Orbigny au Muséum national d’histoire naturelle, qui constitue en quelque sorte son testament scientifique, a montré que, comme on pouvait s’y attendre, les idées exprimées dans ce cours sont dans le droit fil de celles qu’il avait popularisées quelques années plus tôt, dans son
Le 27 avril 1849, dans la première séance du cours de géologie qu’il dispensait alors à la Sorbonne, en remplacement de Constant Prévost, Alcide d’Orbigny avait clairement exprimé la dette contractée par la communauté géologique envers ce dernier qui, en 1827 (son texte ne fut publié que l’année suivante), n’avait pas hésité à s’opposer à un Cuvier au faîte de sa puissance, en affirmant : « nulle part, je n’ai été empêché de lier le passé au présent, par ce que l’on appelle une
« L’initiative d’application et, l’on peut dire, l’heureuse pensée de recourir aux causes agissant maintenant dans les mers et sur les continens, pour expliquer la formation des couches sédimentaires du globe, à toutes les époques, appartient tout entière à M. Constant Prévost, et je suis heureux de pouvoir lui rendre ici cet hommage public à ses importans travaux. Convaincu depuis longtemps moi-même que les causes actuelles sont la base de la géologie stratigraphique, je n’ai rien négligé pour en connaître tous les détails. Non content des nombreux faits étudiés dans mes périgrinations 〚sic〛 lointaines, j’ai consacré de longues années à l’étude plus particulière des côtes de France » 〚Fo 3〛.
La dernière phrase rappelle évidemment, sans que cela puisse apparaître comme une revendication personnelle, les nombreuses observations que lui-même avait faites dans sa jeunesse, le long des côtes charentaises, avant son départ en 1828 pour l’Amérique méridionale.
Les inspirateurs du catastrophisme d’Alcide d’Orbigny sont par ailleurs bien connus. D’une part, dès 1812, dans son
Quant aux causes des catastrophes, Alcide d’Orbigny les avait évidemment empruntées à Élie de Beaumont qui avait publié en 1829 les résultats de ses
En ce qui concerne le créationnisme, nous avons vu qu’Alcide d’Orbigny était contraint d’y recourir pour repeupler la planète après chaque catastrophe majeure, mais qu’il renonçait prudemment à « pénétrer dans le mystère surhumain qui l’environne ». Dans ce domaine, il ne pouvait évidemment pas se référer à Cuvier, qui avait su habilement esquiver le problème. Il avait néanmoins eu des précurseurs en la personne de l’abbé Croizet et de son collaborateur Jobert qui, dans le
Il est une autre source d’inspiration à laquelle Alcide d’Orbigny pourrait bien avoir puisé quelques remarques surprenantes. Ainsi, lorsque après avoir évoqué la formation de la houille, il ne pouvait s’empêcher d’ajouter que :
« Cette belle végétation était pourtant destinée, après quelques milliers de siècles, après tant de révolutions terrestres, à devenir pour la race humaine une nouvelle providence. N’est-il pas merveilleux qu’elle se soit conservée, comme pour donner à l’homme, sur tous ces points, maintenant refroidis et souvent glacés, une chaleur factice que la nature ne produit plus 〚?〛 » 〚Fo 3-50〛.
Et lorsque, le 13 avril 1855, il évoquait, dans la 8e séance de son cours de 2e année, la composition de la faune du Jurassique supérieur, c’était pour s’extasier devant le fait que :
« Les Reptiles à nageoires ont commencé avec les Ammonites et ont fini en même temps qu’elles, à la fin des terrains crétacés. Coïncidence remarquable car il est probable qu’ils en faisaient leur principale nourriture. C’est une preuve de l’harmonie de la vitalité qui, à toutes les époques du monde, a existé sur la Terre » 〚Fo 15-14〛.
On n’est ici pas très éloigné des naïves réflexions de Bernardin de Saint-Pierre (1737–1814), ancien intendant du Jardin des Plantes et célèbre auteur des
Cette adhésion à des idées d’un autre âge ne doit cependant dévaluer l’œuvre considérable d’un savant qui a personnellement pris à bras le corps une masse énorme d’informations, qu’il a su ordonner de manière à moderniser radicalement la science stratigraphique. Le progrès considérable qu’il fit faire à celle-ci aurait sans doute justifié une reconnaissance académique à laquelle il n’avait pas encore définitivement renoncé, puisqu’il fit imprimer en 1856 une
The manuscript of the
Although we mainly focus, in the present paper, on original developments that cannot been found in his
First of all, it is interesting to know Alcide d’Orbigny’s view of the development of stratigraphical palaeontology, as it was exposed in his inaugural lesson. At the beginning stands Cuvier,
It is well known that Alcide d’Orbigny has divided the Earth’s history into a series of 28 stages. At the beginning, after
The second most important concept in Alcide d’Orbigny’s view of Earth’s history was that life had been repeatedly destructed by a series of catastrophes that were produced by the
Alcide d’Orbigny’s reconstruction of life during every stratigraphical stage was based on actual causes. In this way, he was a convinced supporter of Constant Prévost, although it is clear that he begun independently his first ‘actualistic’ observations during his youth, along the Atlantic coast, near La Rochelle. However, in some cases, Alcide d’Orbigny was faced with important difficulties and doubted that an ‘actualistic’ explanation was possible, as shown by his attitude in front of the origin of coal, and also of the yellow or reddish sediments from South America, yielding many mammal skeletons. Although some localities lay at a height of 4000 m above the sea level, he considered that these sediments resulted from
In his
Finally, some other aspects of Alcide d’Orbigny’s conceptions are also noted, especially his belief in a natural harmony and his providentialism, expressed in his way of thinking that coal might have been stored in the strata for a future utilisation by mankind.
« Conclusions générales » de la cinquième leçon, intitulée
`Conclusions générales' of the fifth lesson entitled
Dernière page de la dernière séance du cours de 2e année :
Last page of the last lesson of the 2nd class: